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Vous souhaitez partir quelques temps à l’étranger, tout en vous impliquant dans une action solidaire ? Vous ne possédez aucune expérience dans ce secteur et vous ne savez pas où vous adresser ? Cet article vous intéressera sûrement.

Avant de vous expliquer comment monter concrètement un projet (article à paraître dans quelques jours), je tenais à partager avec vous une réflexion : partir, mais dans quel but ?

Il est à mes yeux important de réfléchir au sens de votre engagement, avant de commencer toute démarche. Voici donc un bref retour sur mon expérience solidaire, un peu de vocabulaire pour être certains de bien nous comprendre, et surtout les bonnes questions à vous poser.

Mon expérience dans le secteur :

Après avoir essuyé de nombreux refus auprès d’ONG et d’associations, j’ai décidé de mettre en place mon propre projet, alors que j’avais tout juste dix-huit ans. C’est d’ailleurs de cette façon que j’ai pris goût au voyage. J’ai été présidente fondatrice de l’association de solidarité internationale Graines de sourire pendant plusieurs années, et j’ai ainsi eu l’occasion de construire différents projets.

Une création de bibliothèque dans une école au Pérou, un chantier et une action éducative dans une ONG en Inde, deux projets solidaires et interculturels dans un orphelinat au Rwanda, une action de volontariat dans un orphelinat au Kenya et surtout trois actions sociales et chantiers lors de différents voyages en Mauritanie : j’ai accumulé autant d’expérience que de questionnements sur le sens de ma démarche.

Orphelinat Rwanda Rulindo

Animation dans un orphelinat, à Rulindo au Rwanda

Je suis ensuite partie faire le tour du monde. Par ailleurs, j’ai également accompagné deux ans une équipe de quatre jeunes dans la construction d’un projet solidaire à Haïti.

Enfin, ma formation de travailleuse sociale, et mes six ans passés en accompagnement de projets jeunes dans un quartier en périphérie d’Orléans, m’ont appris les bases professionnelles d’une passion devenue métier, mais ça, c’était mon ancienne vie…

Si vous êtes en train de lire cet article, c’est que vous souhaitez sûrement vous lancer également. Par le passé, j’ai commis certaines erreurs, dues à mon manque de maturité. Le côté prétentieux qu’a tout jeune occidental lorsqu’il s’apprête à sauver le monde – alors qu’il vient tout juste d’obtenir son bac – ne m’a pas été étranger. Croyez-moi, rien n’est pire que de se remettre en question, et de tomber de si haut. La meilleure chose que je puisse vous souhaiter est de vous poser les bonnes questions avant de partir, et de donner du sens à votre engagement.

Le vocabulaire à maîtriser:

Employer les bons mots est le premier pas à effectuer dans la construction de votre projet. Le langage est porteur de sens, et chaque domaine technique comporte son propre vocabulaire. Apprenez-le, vous éviterez ainsi tout malentendu.

Aide humanitaire : action mise en place pour remédier à une situation de crise ou d’urgence. Il s’agit de professionnels du secteur : médecins, infirmiers, logisticiens… Bref, à moins d’être qualifié et d’en faire votre métier, vous ne partirez pas faire de l’humanitaire, bien que beaucoup de bénévoles fassent très souvent cette erreur.

Aide au développement : bien qu’il soit difficile de définir l’aide au développement en quelques mots, je dirais qu’il s’agit de la mise en place d’actions réfléchies sur le long terme, visant à soutenir le développement d’un pays. Il existe des milliers de projets différents : de belles idées et des moins bonnes. Il s’agit également de professionnels formés à un métier précis : chefs de projets, techniciens, gestionnaires, collecteurs de fonds… Tout comme les humanitaires, sans formation particulière, vous ne partirez pas faire de l’aide au développement.

Action de solidarité internationale : entraide entre protagonistes de deux états différents. Généralement, les organismes des pays du Nord apportent leur aide à ceux du Sud. Le sens des actions mises en place ne saute pas toujours au yeux, et c’est après dix ans de remise en question que je me permets cette réflexion. Si vous vous lancez dans ce type de projet, demandez-vous si la population locale a vraiment besoin de l’aide d’un petit jeune venu d’un pays riche, et quelle sera leur opinion à votre sujet?

Échange interculturel : fait d’apprendre l’un de l’autre en mélangeant plusieurs cultures, tout en mettant les différents protagonistes sur un pied d’égalité. Un échange réussi ne connaîtra pas de dominant/dominé. Il ne s’agit plus d’apporter quelque chose à l’autre, mais bien de s’enrichir mutuellement au travers de connaissances et d’expériences réciproques. Attention cependant à bien vous préparer au choc culturel que vous pourriez rencontrer une fois sur place.

Volontariat international (ou VI) : il s’agit d’une mission effectuée par un volontaire, contre une rémunération (ou indemnisation). Il existe trois catégories : le volontariat international en entreprise (VIE), en administration (VIA) ou de solidarité international (VSI). Pour ce dernier contrat, les ONG recrutent souvent des jeunes qualifiés faisant part d’une grande motivation, sur une durée allant de quelques mois à plusieurs années. Le site officiel du VIE/VIA Civiweb donne plus de détails et propose des offres en ligne. Pour le VSI, une simple recherche sur Internet vous ouvrira de nombreuses portes.

Bénévolat : action altruiste non rémunérée, le bénévole donne de son temps en s’engageant au sein d’une action qui lui tient à cœur, dans une association, une ONG, une école… C’est à la portée de chacun, et pas besoin d’aller au bout du monde pour s’impliquer dans un projet.

Partenariat : forme spécifique de travail en équipe, qui laisse aux différentes parties un espace d’expression en vue de réaliser un objectif commun. Sans partenariat avec un acteur local, pas de solidarité internationale.

Tourisme solidaire : dans une logique de développement et en totale opposition avec les méfaits du tourisme de masse, action de voyager éthiquement dans une optique de développement local. Il existe de nombreux organismes spécialisés, quant au sens de la démarche, elle peut parfois être remise en question (ex : payer pour visiter Soweto, est-on au zoo? Et qui profite de l’argent?). Certains acteurs du tourisme solidaire restent toutefois des professionnels compétents, à vous de choisir vos prestataires avec la plus grande attention.

Tourisme de la pauvreté : sous une appellation solidaire, action malsaine où voyeurisme et irrespect se mêlent au détriment des populations locales. Pour aller plus loin, les Voyageurs du net ont une réflexion intéressante sur le sujet ici, Youphil également ici, à lire.

Chantier solidaire Pérou Andahuaylas

Chantier solidaire avec des campesinos, dans une école à Andahuaylas au Pérou

Un projet, des questions :

Dans un monde où les inégalités sociales sont de plus en plus frappantes, il devient urgent de nous mobiliser pour faire évoluer les choses. La problématique est bien de savoir de quelle façon doit-on agir?

Vous partez d’un bon sentiment, vous voulez vous engager dans une bonne action. Ne construisez pas un projet qui aura un impact plus négatif que positif pour la population locale. Beaucoup de porteurs de projets ne gardent pas à l’esprit le bon objectif. Après dix ans de remise en question douloureuse, voici les erreurs à ne pas commettre et les réflexions à méditer avant d’entreprendre toute démarche.

  • Mon action correspond-elle aux réels besoins locaux? Exemple : construire une école dans une ville où personne ne sera en mesure de financer le salaire des professeurs.
  • Mon projet a-t-il du sens? Exemple : distribuer du lait en poudre pour les bébés, dans un lieu où l’eau potable n’est pas accessible.
  • Ne suis-je pas en train de calquer mon modèle culturel dans un environnement différent? Exemple : partir organiser un tournoi de football féminin dans un pays où les femmes n’ont pas accès au sport, au risque de mettre à l’écart de leur société les participantes à la compétition.
  • Suis-je en train de penser à mon développement personnel au détriment de la population? Exemple : mettre en place une action d’installation de panneaux solaires et souhaiter en apprendre davantage sur leur fonctionnement, car manque d’expertise dans le domaine mais vif intérêt pour en découvrir un peu plus.
  • Qui suis-je pour mettre en place un projet solidaire à l’autre bout du monde? Exemple : avoir dix-huit ans, n’avoir aucune expérience solidaire, et se retrouver propulsé(e) à la tête d’un chantier sans n’avoir aucune maîtrise des tenants ni des aboutissements.

Ces mauvais exemples se comptent à la pelle. Je ne souhaite décourager personne, ni critiquer qui que ce soit, mais je ne peux vous expliquer comment mettre en place une telle action sans partager avec vous le fond de ma pensée.

Vous êtes médecin et vous partez sauver des vies dans un pays en guerre? Vous intervenez dans l’urgence et il m’est impossible de remettre en question ce type d’action. Quoique, Karl Blanchet et Boris Martin l’ont fait avec justesse dans leur ouvrage Critique de la raison humanitaire, un livre qui a nourri en moi des heures de réflexion et que je vous recommande.

Vous n’êtes pas professionnel de l’humanitaire ni du développement? Vous êtes jeune, sans formation, et vous souhaitez donner de votre temps? Vous souhaitez seulement voyager hors sentiers battus? Réfléchissez à deux fois au sens de votre projet. Engagez-vous, mais faites le avec réel altruisme, justesse, et décence.

ONG Inde Varanasi

Animation avec des enfants des bidonvilles, à Varanasi en Inde

Alors partir, pourquoi faire?

Cela étant dit, maintenant que votre moral s’en trouve à zéro, reprenons nos esprits et entrons dans le vif du sujet! Voici la continuité, plus gaie, de mon point de vue : il est tout à fait possible de construire une action qui soit positive pour chacune des deux parties.

Avec le temps, je me suis de plus en plus penchée sur les échanges interculturels. Je ne crois plus au bien-fondé des chantiers solidaires, après en avoir fait plusieurs fois l’expérience. La population est systématiquement placée en position d’infériorité par rapport à de jeunes bénévoles qui, même s’ils partent avec une bonne intention, maintiennent ce sentiment d’inégalité, entretiennent la dépendance qu’ont les pays en développement face aux pays occidentaux, et ne laissent pas les peuples décider par eux-mêmes de leur avenir.

Mettons de côté notre arrogance juvénile, efforçons-nous de gagner en modestie, et redescendons de notre piédestal. Apprécierions-nous qu’un jeune venu du bout du monde se rende sur le pas de notre porte pour aider à coup de porte-monnaie ces pauvres petits européens que nous serions supposés être? Je n’en suis pas certaine. Mais si ce même gamin nous contactait pour nous rencontrer, construire un échange avec nous, et mettre en place une action où nous serions tous considérés sur un pied d’égalité, l’accueil que nous réserverions à sa démarche serait sûrement différent. Laissons donc les professionnels de l’urgence et du développement faire leur travail, et concentrons-nous sur des actions à notre portée qui puissent-être bénéfiques pour tous.

Les échanges interculturels peuvent permettre de belles rencontres, offrent de nombreux avantages, et pas (peu?) d’impact négatif. Les deux protagonistes sont placés sur un pied d’égalité, chacun peut apprendre de l’autre, grâce au partage d’expérience et de connaissances. Cela renforce le sentiment de fraternité et d’amitié entre les peuples.

Orphelinat Mauritanie

Animation dans un orphelinat, à Nouakchott en Mauritanie

Pour finir, je tenais à partager avec vous un dernier sentiment. Ces années de questionnements m’ont secouée, dérangée, et parfois beaucoup attristée. Je ne serais pas honnête si je vous donnais clé en main des conseils pour boucler un projet, sans vous ouvrir à ces pensées qui, quoi qu’il en soit, vous traverseront l’esprit un jour ou l’autre si vous allez au bout de votre aventure. L’idée n’était donc pas de vous décourager, de vous faire culpabiliser ni de vous faire changer d’avis, mais bien de permettre à votre envie de départ de mûrir et d’évoluer dans le bon sens.

En évoquant ainsi ces différents types de projets, c’est avant tout une critique que je porte sur mes dix années de solidarité internationale. Je pense aujourd’hui qu’il est possible de voyager de façon solidaire, mais qu’il reste indispensable de donner aux projets le plus de sens possible. C’est un peu cette même réponse que j’apportais déjà dans ces deux articles : faut-il voyager dans les dictatures ou les boycotter, et comment réagir à la mendicité en voyage?

J’ai publié une seconde partie pour cet article (lire faire de la solidarité internationale partie 2). Il s’agit de conseils plus concrets conseils pour faire ses premiers pas. Et vous, des réflexions à partager pour faire évoluer le débat?

Join the discussion 2 Comments

  • Bravo pour la revue critique et l’effort pédagogique! Les bons sentiments conduisent parfois à des désastres. Depuis 13 ans, je connais bien l’aide humanitaire dans différents pays (mon mari est professionnel de l’urgence depuis longtemps moi, j’ai travaillé en ONG comme psy/chef de projet). L’enthousiasme des débuts se trouve confrontée à des réalités moins glamour et surtout des enjeux qu’il est fondamental de saisir. La question du sens des actions est vraiment fondamentale, avec comme impératif « ne pas nuire ». Tu as fait tout un cheminement de réflexion et critique sans être cynique. Bravo. Ce n’est pas évident. Tu restes dans l’action constructive. Je lirai la suite avec attention! @ bientôt!

    • Coucou Nathalie!

      Je suis heureuse que tu partages mon point de vue, d’autant plus que tu sembles maîtriser le sujet sur le bout des doigts. Il est vrai que lorsque l’on part d’un bon sentiment, il est difficile d’apporter une critique constructive au projet mis en place, c’est pourtant là tout l’enjeu de la solidarité internationale. Tes mots sont justes, « ne pas nuire ». C’est vite dit, mais cela résulte bel et bien d’un long travail de réflexion, de partenariat et de remise en question.

      Bonne continuation à toi et ton mari 🙂

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