Panier

Je viens d’arriver en auto-stop au Maroc, ou plutôt en bateau-stop à travers le détroit de Gibraltar. Je descends lentement vers le Sud, ne sachant pas trop jusqu’où je vais aller. Pour être honnête, j’aimerais bien gagner Nouakchott, capitale méconnue d’un pays caché au milieu des sables : la Mauritanie. J’ai là-bas une seconde famille, qui m’a hébergée plusieurs mois il y huit ans. Depuis mon premier voyage en Mauritanie, ce pays est devenu mon grand coup de cœur. Huit semaines passées dans un orphelinat en 2005 et 2006 alors que j’atteignais tout juste la majorité, puis un stage de deux mois dans une ONG en 2007 : premier grand voyage, et premier amour…

Mais là-bas ces dernières années, même sous le soleil de plomb sahélien, le temps n’est plus au beau fixe pour les voyageurs. Alors j’hésite, tout en poursuivant ma route vers ce mirage qui continue de m’appeler au loin, me laissant à la fois rêveuse et réticente.

Je repense alors à ces nuits étoilées où nous buvions du thé, insouciants, avec Tabane, Zakaria et Oumar. Et je repense à toutes ces heures où nous surveillions la cuisson du poisson, sur de petites braises de charbon avec Kadia et Saratou. Et je repense à ces journées de chants, de jeux et de rires, avec les enfants de la famille, Mouna, Baseydi et Bachir. Et je repense à ces dunes orangées qui encerclent Nouakchott, ces mêmes qui font comprendre au voyageur, qu’il n’est rien de plus qu’un grain de sable parmi tant d’autres.

Voyager au Maroc et en Mauritanie en auto-stop

Un touareg dans le Sahara, au Nord de la Mauritanie

Je continue donc mon périple en auto-stop au Maroc vers le grand Sud. Je dépasse Tan-Tan, ville moyenne située de la côte marocaine. Ici, l’étranger ne parcourt pas cent mètres sans qu’on ne lui propose un verre de thé, ou un matelas pour passer la nuit. L’hospitalité marocaine légendaire, à l’état pur.

Mais aujourd’hui, j’ai envie d’être sur la route. J’ai besoin d’avaler tous ces kilomètres de poussière sans me demander où tout cela me mènera. Alors je quitte Tan-Tan et je saute dans une petite voiture, où un couple qui ne parle pas français m’accueille pourtant chaleureusement. Nous roulons plusieurs heures et les paysages ne font qu’embellir, comme si cela était encore possible. La terre se découpe abruptement au dessus de l’océan, en d’immenses falaises qui même depuis la route, me donnent le vertige. C’est l’heure où le soleil disparaît hâtivement, et je ne peux louper ça.

voyager au maroc en auto-stop

Falaises abruptes de la côte du Sud marocain

J’annonce donc à mes conducteurs que je vais m’arrêter pour passer la nuit ici, et je descends du véhicule. C’est ainsi que je me retrouve à contempler l’océan, au milieu de ce désert où pas une âme ne bouge, à part quelques insectes dont je me demande toujours comment s’explique leur survie.

En une trentaine de minutes, le soleil s’échappe. Je me dis alors que je pourrais avancer jusqu’à la prochaine ville, car le vent se montre irascible et le froid tombe soudainement.

Je tends le pouce, persuadée que le premier véhicule qui passera m’arrachera au désert, pour me confier à nouveau à la civilisation. Mais personne ne s’arrête. Voitures, chauffeurs routiers, tout le monde me salue et m’envoie des signes d’encouragement, sans pour autant me prendre avec eux. Plus que jamais à cet instant, je dois canaliser mes pensées pour conserver confiance en mon prochain. L’auto-stop au Maroc, surtout dans le désert, c’est une sorte de pile ou face à échelle humaine où miser sur l’Homme devient le pari d’une vie. Entre espoir et découragement, je continue d’attendre.

Vivre, c’est courir des risques.

Tiré de Maktub, un livre de Paolo Coelho

Et puis, ma bonne étoile s’est réveillée, et il y a eu Baye…

Baye s’arrête, au volant d’une fourgonnette un peu cabossée, immatriculée en France. Je ne sais pas vraiment pourquoi ni comment, mais je suis convaincue qu’il est sénégalais, et je le salue en wolof. Étonné de me voir ainsi faire du stop, il me répond dans la même langue, et le contact passe immédiatement entre nous. Après m’avoir demandé un très attendu : Mais qu’est-ce que tu fous là??? Baye m’explique qu’il arrive de Normandie, qu’il se rend à Kaolac, et qu’il se fera un plaisir de me conduire jusqu’au Sénégal, si le cœur m’en dit. La Mauritanie, ça sera déjà pas mal : nous prenons alors la route, le destin a choisi pour moi.

autostop au maroc dans le sahara

Rester optimiste et garder le sourire : les maîtres-mots de l’auto-stop au Maroc !

Baye, c’est le genre de gars à qui tu fais confiance en une fraction de seconde, sans bien comprendre pourquoi. C’est le genre de gars, qui d’un seul sourire, te fait comprendre que tu es entre de bonnes mains. À ses côtés, malgré les dangers liés aux voitures folles lancées à toute vitesse, aux dromadaires te coupant la route, à la conduite de nuit et j’en passe, tu dors sur tes deux oreilles. Baye, c’est le genre de gars qui s’offusque presque quand tu lui tends un cola en guise de remerciement. Même dans sa fourgonnette, tu restes son hôte, et il met un point d’honneur à t’accueillir dignement. Un souci de change à la frontière et il te propose sans hésiter de te prêter de l’argent. Baye, c’est le genre de gars que tu aimerais croiser plus souvent sur ton chemin, parce qu’il te prouve une fois de plus que le monde est bon.

Il fait déjà nuit alors que nous entamons notre traversée du Sahara Occidental, territoire toujours contesté du grand Sud marocain. Changement de ton avec la police locale : les check-points se font plus nombreux, les questions plus suspicieuses, et notre histoire d’auto-stop au Maroc laisse les gendarmes soupçonneux. À Laâyoune, nous restons plus d’une heure au poste de police, ne saisissant pas vraiment le problème, mais comprenant bien qu’un petit billet pourrait régler la situation. Le temps c’est de l’argent, mais comme nous ne sommes pas pressés, nous prenons notre mal en patience et nous attendons bien sagement.

Nous roulons ensuite quelques centaines de kilomètres, puis Baye s’endort une paire d’heures sur le bord de la route. Je reste dehors à me demander ce que pourraient bien être ces ombres que j’aperçois au loin. Des ânes ou des chameaux, qui sait ? C’est à Boujdour que nous passons le reste de la nuit, épuisés, poussiéreux, et encore sous le coup de la surprise de cette rencontre hors du temps.

Nous nous levons aux aurores car ici les kilomètres se comptent en centaines. Entre deux morceaux de pain à la Vache qui rit, nous longeons la côte jusqu’à la frontière mauritanienne, mais nous arrivons trop tard. Cette dernière vient de fermer et il nous faudra attendre le lendemain matin pour passer de l’autre côté. Nous buvons alors du thé et nous nous reposons.

faire de l'auto-stop au Maroc

La fourgonnette de Baye !

La frontière ouvre ses portes à neuf heures, nous la franchissons et nous roulons désormais entre le Maroc et la Mauritanie, dans un no man’s land d’une trentaine de kilomètres, où tous les trafics sont permis. L’asphalte n’est plus, et c’est sur une piste de sable et de cailloux mal dessinée que nous avançons dorénavant. De tous côtés, des télévisions et des carcasses de voitures jonchent le sol, pour de sombres raisons de dédouanement. C’est la partie la plus compliquée du trajet, le territoire est par ailleurs toujours miné, et nous croisons les doigts pour ne pas crever un pneu dans cette zone de non-droit.

Nous apercevons enfin le poste de frontière mauritanien se dresser face à nous, de grands drapeaux verts et jaunes flottant au vent. Nous l’atteignons, mais à cause de problèmes administratifs – et toujours notre histoire louche d’auto-stop au Maroc – le camion de Baye est bloqué par la police jusqu’au soir. Les joies du voyage en Afrique en mode backpack… C’est à la tombée de la nuit que nous reprenons enfin la route. Nous venons de passer plus de vingt-quatre heures aux abords des deux postes frontaliers, et si les quelques boutiquiers environnants ne m’avaient pas pris sous leur aile en m’offrant thé et tieboudienne (riz au poisson), j’aurais probablement gardé un mauvais souvenir de cette impensable journée.

route dans le sahara et auto-stop au maroc

Route Nouakchott – Nouadhibou, au Nord de la Mauritanie

Pour des raisons de sécurité – mais aussi d’argent car ici tout se paie – nous devons rouler en escorte sur la route transafricaine jusqu’à Nouakchott. C’est ainsi que je me retrouve à voyager au beau milieu d’un convoi de véhicules sénégalais, probablement autant surpris que moi de me rencontrer dans cette situation. Les policiers des différents points de contrôle n’y mettent pas du leur, et nous mettons un temps fou pour parcourir les quelques derniers cinq cents kilomètres.

Enfin, vers quatre heures du matin, des lumières apparaissent au devant. Derrière les dunes qu’il nous reste à parcourir, Nouakchott m’envoie ses lointaines promesses d’aventures, de rencontres, et d’étonnement.

Je remercie Baye du fond du cœur pour m’avoir fait vivre l’une de mes plus belles histoires de ma vie d’auto-stoppeuse, et c’est nostalgique que je le quitte dans un faubourg de banlieue. Je téléphone à Saratou, l’une des sœurs aînées de ma famille mauritanienne, et je me présente sur le pas de la porte. Petits et grands se lèvent, m’embrassent, nous versons quelques larmes. Entre incrédulité (ils ont du mal à croire que je viens de faire autant d’auto-stop au Maroc pour les rejoindre) et sentiment de rêve éveillé, nous allons nous coucher.

Après huit ans de séparation, je me demande s’ils ont changé, si j’ai changé. Nous verrons demain, le grand jour est proche…

voyage au Maroc et en Mauritanie

Les retrouvailles avec Kadia, la maman, seront finalement chaleureuses…

Pour poursuivre le voyage, n’hésitez pas à visionner mes galeries photos du Maroc et photos de Mauritanie. Enfin, si vous aussi avez pratiqué l’auto-stop au Maroc, je vous invite à partager votre expérience avec nous dans les commentaires ci-dessous !

Join the discussion 5 Comments

Leave a Reply