Panier

En automne 2013, j’ai quitté mon travail et j’ai adopté une vie nomade. À cette époque, je souhaitais consacrer l’essentiel de mon temps à découvrir le monde, rencontrer de nouvelles personnes, apprendre de leur expérience et réfléchir à ce que je voulais faire après.

Trois ans plus tard, toujours nomade et ayant choisi un mode de vie plus lent, j’ai pourtant l’impression de continuer de courir après le temps. Loin de passer mes journées à flâner, je me suis rendue compte que voyager sans argent ou presque prenait beaucoup de temps. C’est pourquoi adopter la slow life a été pour moi plus que bénéfique et révélateur…

Le voyage et le temps de la réflexion :

Combien sommes nous à avoir déjà déploré le fait de ne pas parvenir à décompresser? Combien sommes nous à avoir déjà exprimé le besoin de nous ressourcer, de nous mettre au vert quelques temps? Combien sommes nous à avoir déjà effleuré l’idée que les semaines sont trop courtes, et que les week-ends passent à une vitesse folle?

En voyage, déconnectée du numérique, passant des centaines d’heures à faire de l’auto-stop, vivant bien souvent en pleine nature, et confrontant mes certitudes à celles du monde, j’ai eu le temps de penser. Penser. Un luxe inestimable, si on le replace dans le contexte de nos sociétés ultra-productives, où tout doit aller toujours plus vite.

Sur la route, j’ai été amenée en permanence à me remettre en question. Parce que mes choix n’étaient pas toujours les bons. Parce que la vérité n’était finalement pas détenue par une seule et même culture. Parce que j’ai reçu tellement de générosité qu’il m’était impossible de ne pas me demander si je le méritais vraiment.

la slow life ou le slow travel, c'est voyager lentement

Moto-stop au Cambodge, dans la région du Mondolkiri

Une renaissance qui s’impose :

Débordée, stressée, ma vie d’avant se résumait à courir de rendez-vous en supermarchés, conditionnée habilement à assouvir des besoins qui n’en étaient pas. Me dépêchant dès la sonnerie stridente de mon réveil jusqu’à l’extinction tardive des feux, être en retard était ma bête noire. Équilibrant vie professionnelle avec vie sociale, familiale et amoureuse, les espaces laissant le champ libre à l’évasion de mes pensées étaient quasi-inexistants.

Maintenant, j’ai juste une vie. Bien remplie certes, mais qui place au cœur de mes préoccupations des priorités oubliées, comme prendre le temps de vivre, avoir conscience de ce qui m’entoure, et prendre du recul sur les évènements qui se présentent à moi.

Depuis que je suis totalement dégagée de toute contrainte, j’ai pris beaucoup de recul, et j’ai réalisé que l’espace-temps que je qualifiais vulgairement de libre, ne représentait auparavant qu’un court moment quotidien, vide d’obligation. Du temps perdu puisque fondamentalement improductif. J’expérimente aujourd’hui un mode de vie plus axé sur ma liberté d’être et d’agir, et plus en adéquation avec mes réels besoins.

En reprenant possession de ma vie, et en adoptant une cadence plus humaine, j’ai appris à apprécier ces petits riens, qui étaient jusqu’alors imperceptibles. J’ai découvert la gratitude : lorsque l’on n’a plus besoin de rien, lorsque l’on a le temps de prendre notre temps, nous devenons simplement reconnaissants d’être heureux.

Fainéantise, futilités, manque de sérieux, évidemment les critiques résonnent de temps à autres. Qualifiez-moi de hippie dans un monde à part, mais demandez-vous tout de même si ce mode de vie virtuel où nous ne connaissons même plus nos voisins de palier n’est pas une course contre la montre qui ne mène nulle part?

prendre le temps de voyager à vélo

Un voisin bien sympathique avec qui j’aimerais prendre un verre!

De mon côté, je préfère désormais prendre le temps de la réflexion, devenir celle que je souhaite être, et réaliser mes rêves. Cela implique d’aller à l’encontre de ce mouvement contemporain d’accélération générale. Fast-food, speed dating, drive express, shopping online : des anglicismes qui nous nourrissent, au figuré comme au sens propre. Nous n’avons même plus le temps de tomber amoureux. À ceux qui me demandent encore si je n’ai pas peur de me perdre dans cette démarche de simplicité volontaire, je partagerai cette citation :

Avec la vitesse, nous savons peut-être ce que nous avons gagné, en temps et en argent surtout, mais nous ne savons pas encore tout ce que nous avons perdu…Franck Michel, Voyage au bout de la route

La slow life ou l’éloge de la lenteur :

Devenue plus lente donc, et ayant désormais du temps pour moi, j’ai découvert que ce principe de vie était en réalité un mouvement né en 1986 en Italie. Carlo Petrini, en opposition avec l’arrivée du fast-food, créa l’association Slowfood, avec pour objectifs de promouvoir une nourriture saine et respectueuse de l’environnement local.

D’ailleurs, en faisant quelques recherches en ligne sur la slow life, je suis tombée sur certains commentaires déconcertants, comme : Et pendant ce temps-, la Chine avance. Nous préférons donc sacrifier tout un pan personnel de nos vies, pour ne pas laisser la Chine avancer nul ne sait où. Satisfaite d’avoir le temps, cette réflexion m’a amenée à méditer un bon quart d’heure, déroutée.

Bref. Cette contre-culture prit rapidement de l’ampleur, et des concepts comme le slow art, slow cities, slow parenting, slow management (et même slow sex!) ont commencé à se développer. En ralentissant notre mode de fonctionnement sous toutes ses formes, et en acceptant de lâcher prise, le fil conducteur est bien d’améliorer notre qualité de vie.

slow life et slow city

Au Nord de la Croatie et malgré le froid, je prends le temps de la contemplation

En nous adaptant aux ressources de la planète, en consommant de façon responsable et en étant plus proches de la nature, nous apprenons à respecter l’environnement. En écoutant nos corps et nos réels besoins, mais également en luttant contre cet appauvrissement intérieur dont nous souffrons silencieusement, nous apprenons à respecter notre personne.

Toutefois, il ne s’agit pas de tout faire moins vite, mais bien de fonctionner autrement. En réalité, nous avons le temps, plus qu’il n’en faut, ce sont nos priorités qui sont souvent mal définies. Entre lire une histoire à nos enfants et faire la queue au supermarché, le choix devrait aller sans dire. Entre prendre le temps de penser, lire, écrire, au lieu de nous effondrer devant la télévision, quelle option nous permet d’avoir les idées claires? En nous soustrayant de cette course effrénée après le temps, nous réalisons vite que nos vies sont remplies de choses inutiles.

J’estime que vivre constitue, en ce qui me concerne, une chance, qui ne me sera pas accordée une seconde fois : une chance non point parce que la vie nous fait des cadeaux et que sur une balance idéale la somme des plaisirs excéderait celle des peines, mais parce que je mesure à chaque instant la chance que j’ai d’être un vivant, d’accéder chaque matin à la lumière et chaque soir aux ombres, que les choses n’aient pas perdu leur éclat naissant et que j’aperçoive aussitôt l’esquisse d’un sourire, ou le début d’une contrariété sur un visage, bref que le monde me parle.

Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur

Appliquer la slow life en voyage, le slow travel :

Rien n’est plus adapté pour la slow life que la route, à compter que le voyageur ne soit ni noyé dans le tourisme de masse, ni assujetti à un planning très strict. L’imprévu laisse une part d’aventure souvent délectable, et doit être considéré comme une opportunité et non un frein. Anick-Marie, experte en voyage alternatif, écrit d’ailleurs dans l’un de ses articles que la lenteur est l’une des principales caractéristiques de ce type de voyage.

Il est évident que privilégier des moyens de transports lents et écologiques permettent d’apprécier pleinement les kilomètres. S’endormir à Paris et se réveiller à Tokyo n’a pas le même charme que lever son pouce au bord de la route, mais pour cela, une fois n’est pas coutume, il faut du temps, et l’envie de sortir des sentiers battus. Toutefois, pas besoin d’aller si loin, se rendre à quelques pâtés de maisons de chez-soi peut être tout à fait dépaysant, si l’on opte pour un nouveau mode de fonctionnement.

slow travel et slow life

Voilà un joli moyen de transport lent et écologique! – Photo prise dans le Sahara, au cœur de l’Adrar mauritanien

Consommer des clichés sur les cultures locales, prendre quelques rafales de photos et courir à l’endroit suivant ne mènera pas bien loin. Mieux vaut vivre l’instant, expérimenter, s’immerger, et se confronter. C’est pour le voyageur une occasion propice au changement, car en étant ailleurs, il peut se réinventer aisément. C’est aussi pour lui la possibilité de devenir lucide, de laisser derrière lui ses pratiques habituelles, ses forces mais aussi ses lâchetés quotidiennes, et ses certitudes qui masquent souvent son ignorance. Du moins, c’est ce que le slow travel et plus généralement la slow life m’ont apporté.

Je suis un impatient. Mais on ne peut pas faire autre chose : il faut se mettre au rythme des gens du pays. Ils ne sont pas pressés. Si leurs chameaux ne sont pas là, ils seront peut-être là demain, ou dans huit jours. Ils ont raison. Ils ont adopté la cadence du cosmos. Nous, nous faisons semblant d’être pressés. Ce que nous faisons a-t-il une telle importance que nous devions adopter le pas de course?

Théodore Monod

En écoutant notre instinct, en prenant le temps de la contemplation, en rencontrant l’autre, c’est un sentiment de plénitude que nous offre le voyage. Au retour, nous aurons appris sur nous-mêmes et découvert de nombreuses choses que nous n’aurions jamais osé soupçonner. Une fois rentrés, outre le fait qu’il nous faudra accepter que le monde n’a pas cessé de tourner sans nous, il nous faudra aussi du temps pour assimiler notre remise en question…

Tenté par la slow life?

Pourquoi ne pas commencer par des choses simples? Allez-y par paliers, cette fois encore, prenez votre temps…

  • Laissez-vous le temps de vous réveiller le matin
  • Réfléchissez tranquillement à ce qui va trop vite dans votre vie
  • Marchez au lieu de prendre votre voiture
  • Partagez vos savoirs et vos connaissances avec d’autres
  • Allez au marché du coin, choisissez des produits de saison, cuisinez
  • Débranchez vos appareils numériques, votre télévision, coupez votre téléphone
  • Choisissez des loisirs plus lents : jardinage, lecture, méditation, promenades…
  • Pratiquez des activités créatives ou artistiques : peinture, écriture, musique, danse…
  • Passez du temps dans la nature
  • Passez du temps avec vos proches (cela ne devrait-il pas être en haut de la liste…?)

Envie d’aller plus loin ?

Si vous avez envie d’en apprendre plus sur la slow life, je vous recommande les ouvrages suivants :

Slow attitude, oser ralentir pour mieux vivre de Stéphane Szerman et Sylvain Menétrey (découverte des mouvements prônant la lenteur, de la slow food au slow sex!)

Moins mais mieux : vers une vie plus qualitative de Stéphanie Assante (guide de la slow life)

La slow life en pleine conscience de Cindy Chapelle (livre de développement personnel)

Et vous, est-ce que la slow life vous inspire? Avez-vous des conseils ou des anecdotes sur ce sujet? Enfin, dans le même esprit, n’hésitez pas à découvrir comment voyager zéro déchet!

Join the discussion 20 Comments

  • Antoine G dit :

    Certains sages parlent de l’urgence de vivre (vraiment) et pour cela prendre son temps. Tes articles font du bien. Le nombre de commentaires montre que ton article n’est pas fade comme un fast food.
    Aux personnes qui disent « mais tu n’as pas peur de te perdre dans ton mode de vie? » je dirais qu’Astrid ne s’est pas perdue, elle s’est trouvée. Ce site en est la preuve vivante. Tout comme les gens qui le fréquentent, et la distinction dans le top 10 des meilleurs blogs, ce qui pour ce dernier point n’est probablement arrivé qu’après coup et sans calcul j’en suis persuadé. Certains traitent Bouddha d’égoïste mais dans un sens il a tout pigé même si sa voie est difficile, c’est à une dimension contemplative qu’Astrid nous invite. Alors à ceux qui disent aux sages qu’il ne foutent rien, moi je dis qu’ils ont préféré la vie à la course, et dans ce sens, ils ont TOUT gagné. « Rien ne sers de courir… » conclue la fable du Lièvre et la Tortue…

  • Hélène dit :

    Je crois que le temps est la ressource la plus précieuse que nous avons.
    J’aimerais tendre vers ce que tu écris, un mode de vie plus lent, un mode de vie où l’on pourrait se réapproprier son temps. je me demande si l’on est obligés de tout plaquer pour vivre sur la route ou d’aller s’exiler à la campagne et vivre en autonomie… peut-on s’approprier cette slow-life en ville, avec certaines contraintes à accepter ?
    Quand on évoque l’idée de quitter un CDI, cette cage dorée pour bosser moins, on se fait regarder comme des hurluberlus…
    En tout cas j’ai trouvé ce poème qui résonne beaucoup en moins pour cette nouvelle année qui débute :

    « Je ne vous souhaite pas n’importe quoi,
    Je vous souhaite quelque chose de très rare,
    Je vous souhaite du Temps pour rire et vous réjouir,
    Je vous souhaite du Temps pour faire ce que vous voulez,
    Et pour penser aussi aux autres,
    Je vous souhaite du Temps pour ne plus courir,
    Du Temps pour être heureux,
    Je vous souhaite du Temps et de la confiance en vous-même,
    Je vous souhaite du Temps et des surprises,
    Je vous souhaite du Temps
    Et pas seulement pour regarder les heures passer,
    Je vous souhaite du Temps pour toucher les étoiles,
    Et du Temps pour grandir, pour mûrir,
    Je vous souhaite du Temps pour espérer
    Et pour Aimer sans plus jamais reporter,
    Je vous souhaite du Temps pour vous Retrouver ,
    Pour comprendre que chaque jour est un cadeau,
    Je vous souhaite du Temps aussi pour pardonner,
    Je vous souhaite du Temps pour Vivre. »
    – Poème des Natifs Américains des tribus Dakota

    • Coucou Hélène! J’espère que tu vas bien. Merci pour ton message, et ce poème que je ne connaissais pas et qui complète parfaitement cet article. Concernant ta question sur la vie citadine, il existe ce que l’on appelle les slow cities, tu devrais pouvoir trouver plus d’infos sur le net 🙂 Dans tous les cas, pas besoin d’une appellation ni d’une appartenance à une communauté pour ralentir le rythme. L’important est de trouver celui qui nous convient, et d’adapter nos contraintes à nos besoins et non l’inverse. Au plaisir d’échanger à nouveau, bises!

  • NomadikTime dit :

    J’aime beaucoup ton article! depuis quelques années j’aime beaucoup le concept de slow-travel!
    prendre le temps de voir, d’écouter et de vivre quand on voyage au lieu de courir après les monuments à photographier.
    Malheureusement, dans ma vie de tous les jours c’est difficile à faire mais j’aimerai pouvoir y arriver^^

    • Salut, et merci pour ton commentaire. Prendre le temps de vivre et d’apprécier chaque instant est en effet un luxe auquel il est difficile d’accéder dans la vie de tous les jours. Mais tenter de s’en approcher est déjà un premier pas, et avec l’habitude cela devient en fait très naturel. Bon(s) voyage(s) à toi 🙂

  • diana dit :

    Un court voyage organisé (1 semaine à 1 mois) est souvent plus avantageux sur le plan monétaire que le choix de le faire en autonomie

    • Je suis absolue convaincue que c’est l’inverse… Et sans parler forcément d’argent, un voyage en autonomie ouvre des portes qu’un tour organisé ne pourra jamais ne serait-ce qu’approcher, mais bon, tout est question de point de vue! 🙂

  • Blaise dit :

    Peu après avoir quitté mon travail, je me suis surpris, un jour, à changer de trottoir pour profiter du soleil… Un plaisir si simple, pourquoi ne l’ai-je pas fait plus tôt?? Je me suis senti tellement libre!! (et fier de ma décision 🙂 !!!)

    Je ne savais pas qu’il y avait un nom à ce mouvement… je vais lire un peu sur le sujet :). Merci

    Un reportage sur Arte, passé l’année dernière, rejoint ton article. Il montre que nous ne sommes pas seuls :). Il peut se consulter sur youtube, son titre pertinent: « l’urgence de ralentir »
    http://www.youtube.com/watch?v=DxUu_kq3AJo

  • Aude dit :

    C’est drôle que je lise ton super article aujourd’hui, parce que tantôt, dans une station de métro de Montréal, j’écoutais une violoniste jouer du Bach. Toutes les 3 minutes une marée humaine passait entre elle et moi, et je voyais les regards des gens un peu étonnés de ne pas me voir marcher dans un sens ou dans l’autre.
    Je me suis remerciée moi-même d’avoir opté pour une vie dans laquelle je pouvais m’arrêter pour écouter trois suites de Bach au violon dans le métro.

    🙂

    • Magnifique ton commentaire, et mention spéciale pour ta dernière phrase qui résume à elle seule toute cette philosophie. La prochaine fois que je croiserai un groupe de musique dans le métro, je m’arrêterai, j’écouterai, et je repenserai à ça! 😉

      • Antoine G dit :

        J’ai pensé, parmi d’autres slogans de ‘projet’, sur mon carton de mancheux à côté de mon chapeau quand je joue pour le passant à  » L’argent c’est du temps ».

  • Océalie dit :

    Je suis tout à fait mais alors tout à fait en phase. Le voyage – un tour du monde ou autre – nous permet de prendre du recul sur notre vie et justement de considérer le temps qui passe autrement. Le slow life c’est aussi meilleur pour l’environnement 😉

  • Papi dit :

    sans le savoir, je dois pratiquer le slow-life
    quand je suis hors de chez moi, j’emporte une montre qui n’a pas de chiffres, ELLE ME DONNE LE TEMPS, MAIS PAS L’HEURE … c’est cool
    bisous

  • olivier dit :

    C’est que je lis est magique 🙂 ça doit faire tellement du bien de pouvoir tout simplement prendre son temps et au final vraiment vivre sa vie !

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