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De toute l’histoire de l’humanité, il n’a jamais été aussi simple de voyager. En quelques clics sur internet, il est aujourd’hui très facile – pour nous – de réserver un billet d’avion, afin de nous rendre à l’autre bout de la planète. Nous pouvons, à peu de choses près, aller n’importe où, quand bon nous semble.

La montée en puissance du tourisme de masse apporte avec elle une prise de conscience (ou une nouvelle mode?) dans le monde du voyage. Le touriste souhaite désormais voyager responsable. Autrement dit, il tente d’allier l’éthique à l’aventure, et fait son possible pour respecter l’environnement ainsi que les populations locales.

La question se pose donc de plus en plus : faut-il boycotter les dictatures ou au contraire doit-on s’y rendre? Avant de plonger dans le vif du sujet, je tenais à préciser que je n’évoquerai dans cet article aucun exemple concret actuel, et ce afin de ne stigmatiser personne. Seules quelques photos de dictatures aujourd’hui déchues illustreront mes propos.

Définition des termes :

Tout d’abord, il me semble intéressant de nous mettre d’accord sur le sens que l’on donne au mot dictature. Selon notre vieil ami Wikipédia, une dictature « désigne un régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu’aucune loi ou institution ne les limite. La dictature est donc synonyme de régime autoritaire. » Il va sans dire qu’au sein d’un tel régime, la liberté d’expression, les partis d’opposition ainsi que les groupes d’oppression indépendants (associations…) n’existent pas ou sont sévèrement bridés.

Il existe beaucoup de dictatures déguisées. Certaines démocraties – n’étant pas sous le feu des médias – masquent en réalité un système politique bien plus sombre : pressions diverses sur la population, corruption, libertés individuelles restreintes… D’un point de vue éthique, la différence n’est pas grande. Je propose donc d’utiliser le terme dictature au sens large.

Par ailleurs, il serait intéressant de nous demander ce qu’est un boycott et ce que cela implique. Dominique Albertini nous donne son point de vue, il nous explique l’origine des mouvements de boycott, et revient sur leur efficacité souvent symbolique. Pour résumer, un boycott consiste à s’interdire de consommer les produits (ou services) provenant d’un état (ou d’une entreprise) en particulier. Dans le secteur touristique, boycotter un pays signifie donc refuser de nous rendre sur place. Par ailleurs, et logiquement, cela devrait sous-entendre de ne consommer aucun produit exporté par ce même état.

Auschwitz, Pologne

Camp d’Auschwitz-Birkenau, Pologne

Pourquoi le boycott est contre-productif?

Le boycott n’est pas une solution viable. Une telle action renforce au sein de la population locale l’idée que le monde entier prend position contre leur peuple.

De même, la répercussion sera que ce dernier s’en trouvera encore plus pauvre, le tourisme apportant une manne financière non négligeable. C’est donc la double peine.

Par ailleurs, nul ne peut nier que les échanges interculturels sont vecteurs d’ouverture d’esprit, d’éveil à la curiosité, et peuvent dans certains cas inciter au changement, voire à la révolte. Dans les états où peu de sources d’information existent, où les médias sont contrôlés y compris la toile, où l’accès au reste du monde ne se fait donc que par brèches, la rencontre avec les voyageurs n’est pas symbolique : elle représente une fenêtre ouverte sur le reste de la planète.

D’autre part, il est important d’aller voir par soi-même ce qui se passe dans les régions du monde où l’herbe est moins verte. Les journaux et les on-dit sont souvent bien loin de la réalité. Après de telles rencontres, le voyageur peut apporter son témoignage, mettre en place des actions militantes, ou sensibiliser les plus jeunes aux valeurs de la liberté.

Enfin, la clé du succès d’un boycott réside dans la communication. Boycotter un pays seul dans son coin, sans message fort, aura un impact quasi-nul. Dans ce cas, pourquoi boycotter? Qui cela aide-t-il concrètement? Et – je vais pousser un peu – pour qui nous prenons-nous pour boycotter?

Prison S21, Phnom Penh, Cambodge

Prison du S21 (régime de Pol Pot), Phnom Penh, Cambodge

Alors pour quelles raisons boycotter?

Certains me répondront, à juste titre, que la face dévoilée au voyageur est bien trop éloignée de la réalité, et que les bienfaits du tourisme sont largement idéalisés. Ce ne seront pas nos quelques échanges avec la population qui feront chuter un état totalitaire. Nos devises par contre, soutiendront à coup sûr le régime en place.

À ceux-là, je répondrai qu’en voyageant par nos propres moyens, qu’en tentant de dépenser l’essentiel de notre budget dans des petits commerces tenus par les habitants (et non dans grands hôtels, ou dans l’utilisation de services nationaux…), il est possible de respecter une éthique. À refuser à tout prix de ne pas soutenir un gouvernement, c’est en premier lieu un peuple que l’on prive de ressources.

Mais passer nos vacances dans un pays qui souffre (cela vaut aussi pour le tourisme de guerre, de la pauvreté) n’est-il pas quelque chose d’immoral? En voyageant dans une dictature, au-delà du soutien financier que dans tous les cas nous apporterons au despote, nous renvoyons au gouvernement un message symbolique positif. En quelque sorte, nous validons la politique mise en place : nous montrons un intérêt si fort pour l’état en question, que nous parcourons des milliers de kilomètres pour nous y rendre.

Au retour, le voyageur racontera – la larme à l’œil et encore émerveillé – que le pays était magnifique et que l’accueil des habitants était incroyable. Qu’en pensent les locaux? Sommes-nous égoïstes? Hypocrites? Voyeuristes? Ne voyageons-nous que pour satisfaire une curiosité malsaine?

Cet argument se tient, et je pense qu’il est la raison pour laquelle je viens de passer des mois à réfléchir à la question. Il est honnête de répondre que oui, quelque soit le lieu, nous voyageons tous pour satisfaire notre curiosité. Toutefois, le voyage peut revêtir autant de formes que de touristes.

Celui qui, sous prétexte de voyager authentique et hors des sentiers battus, prendra toute une série de photos pour attester qu’il a bravé le danger, ferait mieux de rester chez lui. Celui qui se targue de rentrer d’un voyage difficile, où le sentiment de contrôle était fort, et nous fait part autour d’un verre de sa frustration due à la restriction de ses libertés (c’est con, j’ai pas pu aller partout, puis y’avait toujours un guide et la police était chiante), ferait mieux de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de se lamenter : il a pu visiter puis quitter le pays à son aise. Demain, il lira le journal de son choix, puis il ira boire une bière et critiquera notre gouvernement autant qu’il le souhaitera.

Toutefois, je continue de penser que d’autres feront preuve de plus d’humanité, et placeront la rencontre avec les habitants au cœur de leur projet.

Mémorial de l'holocauste, Berlin

Mémorial de l’holocauste, Berlin

Alors, quelle éthique choisir?

J’ai mis des mois avant de me forger une opinion. Il faut dire que les deux points de vue sont respectables puisqu’il mettent en avant leurs propres conceptions de l’éthique. Différentes, certes, mais responsables. Je ne me permettrai donc pas de juger une opinion contraire à la mienne.

L’une des réponses réside en partie dans la prise de recul suivante. Peut-être serait-il intéressant de nous décentrer de notre point de vue très occidental, et bien installé dans nos démocraties. Je m’explique. Notre ethnocentrisme et notre arrogance nous font oublier que nous sommes héritiers d’un passé bien sombre, et pas si éloigné que cela dans le temps.

À l’heure d’aujourd’hui, nous pouvons également remettre en question nos formes modernes de propagande, et nous demander si le gavage médiatique que nous subissons ne restreint pas, à sa manière, notre liberté de pensée? Pouvons-nous (et qui sommes-nous pour) imposer notre modèle démocratique au monde entier? Christian Balboa partage son point de vue ici.  Il remet en question – à juste titre – l’exemplarité démocratique occidentale, notamment au sujet de nos politiques extérieures.

Par ailleurs, un autre élément m’a amenée à prendre position. Il me semblerait juste, si l’on suit le raisonnement pro-boycott, de pousser la réflexion un peu plus loin. Nous qui souhaitons voyager responsable, ne devrait-on pas refuser de nous rendre dans les pays où les droits de l’Homme ne sont pas totalement respectés? Peine de mort, travail des enfants, non-liberté de religion et de conscience, discriminations de genres et de classes sociales, esclavage, torture… Combien de pays seraient rayés de la liste?

Dans le même ordre d’idées, une vision durable du tourisme ne devrait-elle pas nous pousser à bannir les pays endommageant l’environnement? Non-ratification des traités internationaux, pollutions diverses, systèmes énergétiques discutables, chasse ou pêche d’espèces en voie de disparition (baleines…), lois trop permissives… Bref, vous l’aurez compris, aucun état ne peut se vanter d’être irréprochable et nous pourrions boycotter tous les pays du monde – y compris le nôtre – pour mille autres raisons.

Je rajouterai que l’Histoire nous a toujours démontré que la méconnaissance de l’autre et le repli sur soi n’apportait jamais rien de bon.

Je ne peux conclure sans vous conseiller de jeter un œil au site internet de Reporters sans frontières, qui se bat pour la liberté d’expression et d’information à travers la planète, et qui répertorie les violations des droits de l’homme au sein de chaque pays. Quel que soit notre choix, il me paraît essentiel que nous voyagions en connaissance de cause.

Le sujet est philosophique. La réponse n’est ni toute noire, ni toute blanche. Nous poser la question est la première étape pour donner plus de sens à notre voyage. Prendre le temps de la réflexion nous évitera peut-être d’aggraver bien des situations. Enfin, garder à l’esprit que nous avons la chance de nous retrouver face à ce choix, nous permet de ne pas oublier que souvent, beaucoup ne l’ont pas.

Newborn, Pristina, Kosovo

Le Newborn, ou symbole de la renaissance, Pristina, Kosovo

Si vous souhaitez poursuivre le débat, je serai heureuse de lire votre point de vue et vos arguments. N’hésitez pas à les partager ci-dessous pour prolonger la discussion…

Enfin, je vous invite à lire ce second débat : la mendicité en voyage, comment réagir?

Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages,

mais à avoir de nouveaux yeux.

Marcel Proust

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  • pierrepons dit :

    Bonjour,

    La question est complexe, c’est vrai, et multiple. Elle n’est pas purement éthique, mais aussi économique et politique. Je veux dire par là, quelles sont les approches (économique, politique) qui marcheront ou non, et cela, on ne peut le couler dans le marbre avant de l’avoir testé à de multiples reprises dans de nombreux États, et en faire un étude à portée scientifique pour en tirer des conclusions tirées de l’expérience, et non de l’idéologie pure. Ce qui est juste, c’est ce qui marche pour le bien de ceux concernés par cette justice, ce n’est pas un Bien transcendant sorti d’on ne saurait où.

    Ceci dit, je trouvais votre développement intéressant jusqu’au moment de la culpabilisation (coutumière à cette époque) de l’Occident. Il ne faut pas se leurrer, nos politiques extérieures sont majoritairement en vue de notre intérêt ; le « combat pour la démocratie » n’étant que le prétexte invoqué face à une population qui n’a pas en main toutes les données justifiant une action politique pragmatique. « Spolier des peuples » pour notre intérêt passerait moins que « lutter pour la démocratie et la fin de l’oppression », surtout pour qui a peu de données en mains.

    Le monde, comme vous le dites, n’est pas dual, tout n’est pas soit bien ou mal. Tout n’est que question de gradations, de plus ou de moins (pour reprendre Diderot). Notre modèle n’est peut-être pas parfait, mais il fait partie de ce qui se fait de mieux. Constater la non-perfection (ou non-optimisation maximale) n’ouvre pas les portes au subjectivisme, où tout se vaudrait. Notre système a au moins le mérite de sauvegarder ses propres membres, ce dont ne peuvent se targuer les dictatures. Et si nos politiques extérieures ne sont pas idéales, c’est parce qu’il n’a été rien trouvé de mieux pour permettre à la fois de défendre systématiquement nos intérêts ainsi que ceux des autres pays. Ajoutons que dans le monde, tout est interconnecté : si nous recevions tout à coup l’illumination, et ferions en sorte d’avoir une éthique à toute épreuve à tous les niveaux, ne serait-ce pas la garantie de l’effondrement de nos puissances, ou au moins leur homogénéisation par rapport à des États totalitaires et archaïques dans leur vision du monde ? Quelles en seraient les conséquences ? Il faut des forces (au moins deux) antagonistes et de puissance similaire dans le monde, relativement modérées, pour qu’un pouvoir absolu ne s’impose pas. Même les USA, pays démocratique, a tendance, on le voit, à abuser de sa puissance face aux faibles. Ils espionnent leurs alliés, jouent avec le terrorisme afin de ne pas l’éradiquer définitivement (puisqu’ils l’ont instauré, mais ils ne sont pas les seuls ; la France et d’autres sont aussi de la partie). Aucun allié n’est un allié absolu, les antagonismes sont à tous les niveaux à différents degrés, bref, des rapports de force doivent être maintenus, et cela ne se fait pas en regardant Babar en mangeant des chamallows.

    Pour en revenir au sujet, sans étude circonstanciée, je choisis le boycott absolu des dictatures, surtout lorsque s’agissant d’une exploitation du peuple (on peut imaginer des dictatures d’hommes intègre et vivant modestement, n’usant de son pouvoir que pour écarter la corruption et les manigances, mais je n’ai pas d’exemple en tête^^). Car un boycott total limite de fait l’avancée technique que peut avoir un État (rares sont ceux pouvant tout créer de par eux-mêmes, ce qui nécessite ressources naturelles et matière grise considérables), et donc, la puissance que peut posséder un petit nombre d’individus (le pouvoir) face à un grand nombre (le peuple). Et même si cela revient à « affamer un peu plus le peuple », si cela peut aboutir à une situation intolérable forçant ce dernier à agir, eh bien soit, il n’en sera que gagnant sur le long terme. En général, dans ce genre de situation, un officier supérieur tourne casaque et se charge du despote avant que des bains de sang massifs n’aient lieu. Or que lorsqu’il s’agit de plus petits massacres (mais qui additionnés sont pires), le seuil de tolérance n’est pas atteint.
    Et quand on voit des crimes contre l’humanité comme dans certain pays Est-Asiatique possédant l’arme nucléaire, je dis que le boycott est un moindre mal, à défaut de méthodes plus expéditives.

    • Bonjour Pierrepons,

      Merci pour votre contribution intéressante à ce débat. Je ne suis pas d’accord avec vous sur tous les points que vous développez ci-dessus, mais je dois bien admettre que votre raisonnement se tient et apporte un nouvel éclairage qui complète mon développement. C’est d’ailleurs ce que j’attendais en publiant cet article, entendre des points de vues différents du mien, afin de réfléchir un peu plus en profondeur à la question. Je vous souhaite une bonne continuation, et vous dis au plaisir!

  • yag dit :

    Au contraire je pense que voyager dans une dictature c’est plutôt irresponsable car on apporte des devises fraîches à l’oppresseur (très peu vont au final dans les poches des autochtones). Et contrairement à la croyance, un blocus peut être efficace : voir la fin de l’apartheid sud-africain. Certes un blocus est terrible pour le peuple qui crève (encore un peu plus) de faim, mais toutes les révolutions de l’Histoire sont survenues parce que le peuple crevaient de faim ! Ma position risque de choquer les bien-pensants mais il faut être pragmatique !

    • Coucou! C’est intéressant de lire ton avis, même si je ne suis pas totalement d’accord avec toi. « Faire crever un peuple un peu plus de faim » comme tu le dis, est à mon sens l’acte irresponsable, non l’inverse. Mais je suis heureuse de découvrir ton point de vue, car même si le mien diverge, je reconnais que tu n’as pas non plus tout à fait tord…

  • Mitchka dit :

    Le sujet est extrêmement complexe. Pour ma part, je considère qu’un pays dans lequel on ne peut pas circuler librement sans un guide à ses côtés n’a aucun intérêt d’être visité : l’impact positif sur la population locale est quasi nulle, tout comme la possibilité de faire des rencontres.
    Après, effectivement, aucun pays n’est tout blanc ; et si la misère reste moins visible en Occident parce qu’on prend grand soin de la cacher elle n’en est pas moins présente et violente.
    Comme tu le dis, il est important de savoir ou on met les pieds avant de partir et surtout il est important de savoir ce qu’on peut endurer, savoir jusqu’où nos yeux sont capables d’aller. Pour ma part, je voyage avec des enfants en bas âge, et nous avons décidé de les préserver autant que possible, j’ai déjà assez de mal à expliquer pourquoi certains enfants dorment dans la rue en France.

    • Salut Mitchka 🙂 Oui comme tu le dis, la question est d’une grande complexité, d’où mon appel à vous tous, pour échanger et croiser nos différents points de vue. Il est très difficile de se forger une opinion tranchée tant la frontière entre ce qui est juste et ce qui ne l’est pas est mince. Effectivement, se renseigner pour savoir où l’on met les pieds est la première étape importante dans cette réflexion. Oh, et oui, c’est certain qu’avec des enfants, tu dois envisager les choses un peu différemment. Les préserver, mais aussi peut-être ne pas leur imposer des choix de vacances très engagés qui au final, ne les concerne pas vraiment pour l’instant. Merci pour ton point de vue en tout cas, et bonne route à toute ta petite famille 🙂

  • Laura dit :

    dictature ou non, violations des droits de l’homme ou pas, je pense qu’il est nécessaire lorsque l’on entreprend un voyage est comme tu le soulignes très bien d’avoir conscience des réalités d’un pays, de chercher à les comprendre (autant qu’il est possible et à notre échelle) de l’intérieur dans l’échange sincère avec la population. Cela nécessite une démarche humble à l’opposé d’un consumérisme de produits touristiques (même si nous le sommes aussi parfois). Je pense que l’ouverture à d’autres cultures (dans les deux sens) est importante, non pas car je pense que notre société est la meilleure (et c’est pourquoi j’insiste sur la réciprocité) mais parce que je pense qu’on ne peut pas se questionner si on ne voit pas d’autres perspectives. Par exemple, sur la question de l’homosexualité, comment peut on faire avancer les choses si les personnes d’un pays au loi répressive sur le sujet ne peuvent jamais parler avec des personnes qui ont un avis différent sur le sujet. L’idée encore n’est pas de convaincre mais d’élargir le champs des possibles. Tous ses échanges que j’ai pu avoir pendant mes voyages m’ont aussi permis de prendre davantage conscience de ce qui est déconnant chez nous, de requestionner la notion de démocratie, de liberté mais aussi de me sentir plus proche du combat de certains peuples. On se sent plus concerné par la situation d’un pays quand on l’a un peu vécu (même si cette expérience est bien loin du quotidien des habitants). Bref, ces questions que tu soulèves sont complexes et nécessitent à chaque instant pour le voyageur de continuer à questionner le pourquoi de sa démarche, le sens de son voyage, d’accepter aussi de faire des erreurs … Merci pour cet article qui justement ouvre le débat sans être moralisateur. Toujours un grand plaisir de te lire. Tu as une plume efficace qui respire bon la sincérité, la générosité et l’humilité.

    • Salut Laura! Merci pour ta contribution au débat. Avoir conscience des réalités du pays, adopter une démarche non consumériste, s’ouvrir à d’autres perspectives et points de vue : je ne peux qu’être d’accord avec tes mots.

      Concernant la question de l’homosexualité, je suis également de ton avis, mais j’ajouterai tout de même un bémol : beaucoup de pays condamnent sévèrement les LGBT, et à trop vouloir échanger ou confronter des points de vue, le voyageur pourrait avoir de gros problèmes (amendes, prison, peine de mort : voir ici http://old.ilga.org/Statehomophobia/ILGA_carte_2013_A4.pdf). Bien sûr, c’est toujours un peu moins strict pour les touristes, il n’empêche, le danger en cas d’exposition au grand jour est réel. J’en parle ici d’ailleurs : http://www.jeanne-magazine.com/le-magazine/2015/05/25/voyager-dans-un-pays-homophobe-tenter-laventure-ou-boycotter-la-destination_2857/

      En tout cas, merci d’être venue échanger avec nous, c’est très important pour de recevoir les avis d’autres voyageurs sur le sujet afin de poursuivre mon petit cheminement intellectuel 🙂 La question reste toujours ouverte, mais des pistes de réponses ressortent grâce à tous ces commentaires… Bonne route à toi 🙂

  • Marie & Tim dit :

    Bonjour Astrid,

    Nous avons découvert avec plaisir ton site que nous continuons de parcourir. Merci pour cet article qui nous prouve que nous ne sommes pas les seuls à nous interroger de la sorte. De la même façon, nous nous sommes beaucoup interrogés au cours de notre voyage en Birmanie, surtout que nous avons débarqué là bas sans bien savoir où nous mettions les pieds … A un certain moment, nous avons même regretté d’être venus tellement nous avions l’impression d’engraisser ce régime totalitaire. Mais je pense que nous avons su faire quelques choix éclairés qui ont permis de limiter notre impact, même si évidemment rien n’est sans conséquence. Nous avons écrit un article sur le sujet pour apporter à notre entourage l’information qui nous a manqué avant de partir : http://objectif-terre.fr/birmanie-la-part-dombre/

    Bonne continuation,
    Marie & Tim

    • Coucou à tous les deux 🙂

      Effectivement, nous sommes beaucoup de voyageurs à nous poser ces mêmes questions, d’où l’intérêt d’échanger entre nous! Je m’en vais donc de ce pas découvrir votre article qui m’intrigue… Bon vent 🙂

  • Je pense qu’avant tout, il faut voyager pour s’ouvrir à une culture, à un pays et à son peuple.
    Ce dernier peut vivre sous une dictature et pourtant avoir pas mal de choses à nous apprendre et l’inverse n’est pas forcément vrai. Je n’aime pas arriver quelque part avec mes idées et les imposées, au contraire, j’aime voyager pour apprendre et m’ouvrir.

    Voyager c’est avant tout s’ouvrir, apprendre et rester digne. Digne de soi mais surtout digne des autres.

    Mais comme tu le dis si justement dans cet article, les deux arguments se défendent… D’où tout le débat!

    • Salut 🙂

      Je pense que tu résumes assez bien l’état d’esprit avec lequel, d’après moi, un voyageur doit aller à la rencontre du monde, que ce soit dans un pays fermé ou non d’ailleurs. Pourtant, c’est vrai qu’il est toujours difficile de ne pas apporter avec nous nos idées reçues (et bien souvent faussées), et qu’être objectif (et humble) nécessite parfois quelques efforts…

      Je fais partie de ceux qui pensent que les réponses à ces débats un peu profonds ne sont ni noires ni blanches, mais nous poser la question est un premier pas.

      Bon vent à toi 🙂

  • Têtuniçois dit :

    Pendant de nombreuses années je voulais visiter l’Iran mais je refusais d’y aller car ce régime fusille et pend les homosexuels . L’année dernière , il m’a semblé que le régime commençait à changer et à s’ouvrir au reste du monde , j’ai donc décidé de faire du tourisme en Iran .
    A mon retour en France , j’ai appris qu’à Shiraz ( ville que j’ai pu découvrir et admirer )deux homosexuels avaient été pendu en place publique !
    Je regrette aujourd’hui d’avoir ce voyage dans cette dictature religieuse sanguinaire et homophobe .

    • Salut 🙂

      Malheureusement l’exemple que tu cites n’est pas un cas à part. La plupart des pays du monde appliquent des lois homophobes. Au Maroc : 3 ans de prison. En Mauritanie, en Arabie Saoudite, au Yémen : peine de mort. Cette triste liste pourrait englober plus de la moitié des pays du monde (tu peux la trouver ici, le site est super intéressant : http://ilga.org/).

      J’ai par ailleurs écrit un article dans le mensuel Jeanne Magazine : « faut-il boycotter les pays homophobes ». Tu peux le lire ci-dessous, j’y explique pourquoi à mon sens le boycott n’est pas la solution.
      http://www.jeanne-magazine.com/le-magazine/2015/05/25/voyager-dans-un-pays-homophobe-tenter-laventure-ou-boycotter-la-destination_2857/

      Après, nous sommes bien d’accord, nous avons une chance incroyables d’être nés ou d’avoir grandi en France, et dans de nombreux pays être homo (ou être différent…) est un combat quotidien. Il faut seulement garder à l’esprit que souvent, le peuple souffre de ces oppressions qu’il subit et ne cautionne pas forcément.

  • Gwen dit :

    Ayant tout juste passé un mois en Birmanie, cette question me trotte dans la tête sans cesse.
    Boycotter ou pas, j’ai tranché, c’est non (pour toutes les raisons que tu cites). Mais voyager les yeux grands ouverts, s’informer, faire attention à chacune de ses dépenses et activités dans le pays, ça oui ! Le séjour en est transformé, il ne s’agit plus de simples vacances pour se détendre et ne penser à rien… Au contraire, s’efforcer de voyager « éthiquement » et faire constamment attention de ne pas mal dépenser son argent, ou mal agir selon ses propres convictions peut être épuisant… D’autant plus qu’il est parfois difficile de savoir quelle est justement la « bonne façon de voyager », ou quelle est la mauvaise. Il n’y en a sans doute pas, dans l’absolu. Pas de règle, pas de mode d’emploi. A chacun de suivre sa conscience et d’essayer d’apporter le moins possible aux « mauvaises personnes » mais d’avantage à la population.

    En Birmanie je me suis demandé plusieurs fois quelles conséquences auraient certains de me actes. Question si difficile… Je n’y ai pas toujours trouvé de réponse.

    • Salut Gwen,

      Je partage tout à fait ton questionnement (d’où ce débat!) : quelle est la bonne façon de voyager? Comment allier l’éthique à l’aventure? Il me semble aussi qu’il est très difficile d’y répondre.

      Je pense toutefois que le début de la réponse réside dans le fait de s’interroger, se remettre en question… Et puis échanger avec d’autres voyageurs, ça a du bon aussi 🙂 Merci donc pour ton commentaire!

  • Peter dit :

    Quels effets produisent le tourisme occidental sur la population de ces pays ?
    Eh bien a court terme on peut deduire pas mal de choses mais a long terme nada, tout est possible.
    Desole pour les gens attaches a leurs concept moraux ou ethiques mais en sachant que chaque action a des consequences autant positives que
    Negatives ( il s’agit de la loi des polarites) peut importe le choix entrepris il aura des consequences benefiques pour les uns et nefaste pour les autres.
    Ensuite chacun en fonction de son conditionnement ( culture, lieu de naissance, education ) aura « sa morale » et « ses valeurs » qui lui proviennent de son conditionnement culturel.
    Personnellement je suis pour faire ce que l’on ressent ( et pas ce que l’on pense, la pensee venant apres peut etre mauvais juge ) du moment que l’on respecte les regles sociales du pays visite pas comme par exemple certain touristes americains arrogant et suffisant en Thailande traitant irrespectueusement les locaux et les prostituees comme des esclaves.
    Malheureusement pour les uns et heureusement pour les autres les riches pays occidentaux, industrialise le sont en grande partie grace au pays pauvres je pense notamment a l’Afrique pillée de ses immenses ressources naturelle afin d’enrichir nos pays au detriment des autochtones en etat de malnutrition.
    Notre economie fonctionne ainsi ou je devrai plutot dire l’avarisme et l’egoisme humain.

    • Peter, tu ouvres là de nombreux débats…

      Difficile de tout traiter en un seul article, mais tu as raison, ces questions devraient être posées. Notamment la première, quelles sont les conséquences du tourisme sur le long terme?

      Je suis pourtant un peu plus nuancée sur certains points, je reste convaincue que l’on peut toujours donner du sens au voyage (et ne pas faire plus de mal que de bien). Après, ce n’est sûrement pas le choix de tous, nous sommes d’accord… Et malheureusement, ton exemple au sujet de la Thaïlande illustre bien qu’il y a des atrocités un peu partout. J’ai été à Bangkok, j’y suis restée dix jours. J’ai été dégoutée par ces comportements que tu décris, et j’ai fait le choix de partir, en grande partir car le tourisme de masse à l’extrême devenait écœurant. Pourtant, je suis certaine que dans de nombreux villages reculés, l’expérience aurait été bien différente. Tout est question de choix, de sens, et de remise en question (mais ça, c’est toujours plus dur!).

  • Jülide dit :

    Salut Astrid! Alors perso je sais pas quoi dire…
    Je pense notamment à la Birmanie et au sort des Rohingyas qui disons le clairement subissent un génocide, malgré le silence des médias. Donc aller en Birmanie je sais pas, car ces revenus vont-ils aider les Rohingyas à améliorer leur existence? Ou vont ils aller dans la poche de quelques capitalistes qui vont entretenir cette haine envers eux?

    • Salut 🙂

      Tout dépend du sens que l’on donne au voyage, non? Aller dans ces pays pour farnienter sur les plages et continuer d’engraisser des gouvernements totalitaires n’a pas de sens, nous sommes d’accord.

      Toutefois, pour avoir voyagé plusieurs mois au Rwanda, dans le cadre de projets solidaires, je persiste à croire qu’en travaillant la finalité d’une telle aventure, il est possible que les retombées soient positives pour chacun…

      • Jülide dit :

        Par projet solidaire tu entends quoi? C’est vrai qu’on a pas forcément tendance à penser ça du premier coup
        Pour reprendre l’exemple de la Birmanie les autorités font tout leur possible pour empêcher les ONG d’aider les Rohingyas mais j’imagine qu’on peut aller quand même au contact des populations rien qu’un sourire et un coeur c’est énorme

        • Re 🙂

          Par projet solidaire, j’entends du bénévolat dans des orphelinats. J’ai une formation dans l’animation sociale, c’était mon boulot pendant 6 ans, et j’avais l’habitude de passer mes étés à faire du bénévolat dans les pays en développement (Rwanda, Mauritanie, Inde et Pérou).

          Avec des copines, on avait à l’époque monté l’asso Graines de sourire dont j’étais présidente.

          Après, je n’ai jamais été en Birmanie, mais je te crois quand tu parles du comportement des autorités…

          Bon vent à toi 🙂

  • hedilya dit :

    Sujet délicat et ici très bien augmenté notamment par les différents liens externes.
    Pour moi qui suis fondue d’Afrique noire c’est toujours une question sous-jacente.
    Je crois quand même qu’aller dans certains de ces pays, quand c’est possible, non pas pour fanfaronner, mais en ramener un témoignage, même touristique (vs. journalistique), sur la situation rencontrée (plus facile pour un voyageur indépendant mobile que pour un vacancier « all inclusive ») est quand même un argument à prendre en compte, ne serait-ce que pour rappeler encore qu’il y a des situations politiques, économiques, écologiques, … différentes de nos références occidentales quand même privilégiées.

    • Salut Hedilya,

      Merci pour ton commentaire. Je suis totalement d’accord avec ton point de vue, et je pense que la rencontre, l’échange, et la prise de conscience ne peut être qu’un atout pour construire un monde meilleur.

      Comme tu le dis bien, tout dépend aussi de la façon dont on aborde son voyage. Je n’ai rien contre les séjours « all inclusive », mais se prélasser sur des plages et dormir dans des prisons dorées quand d’autres souffrent à quelques centaines de mètres me laisse toujours sans voix. Pourquoi dans ce cas, ne pas choisir une autre destination?

      Bref, je te rejoins sur tous les points… Bonne route à toi!

  • Jose dit :

    Salut Astrid !
    Je n ai pas d idée tranchée sur le sujet, le plus important, pour moi, étant de voyager sans considérer, au delà de ma sécurité et de la possibilité d y voyager, la situation politique d un pays. Mes choix sont simplement basés sur les opportunités, liées le plus souvent à des rencontres, à des reves ou un interet culturel. Mes voyages se feront tjs avec une ame d enfant et la seule chose que je ne ferai jamais est de céder face aux dictats et l opßression.
    Et, je voudrais souligner une notion importante que tu mentionnes dans ton article et contre laquelle j ai un véritable probleme : notre matraquage médiatique et publicitaire. Nous sommes considérés (et c est un bien grand mot) comme des biffetons et comme des personnes incapables de se forger une propre identité. Malheureusement ca marche et je me mets dans le panier. J ai vraiment la haine contre certains medias et, surtout, la pub. Cette dictature de la societe de consommation est insidieuse et parait normale. Et ca, ca me révolte !

    • Hey salut toi! Contente que tu participes au débat 🙂

      Je suis convaincue que si tu choisis tes destinations en fonction des rencontres qui se présentent à toi, il y a de fortes chances pour que tu te retrouves proche des habitants et que ton voyage ait du sens (ça, tu me l’as prouvé à maintes reprises!).

      Et concernant le matraquage médiatique, en dehors des médias alternatifs qui nous donnent une bouffée d’oxygène, je ne peux qu’approuver… J’irai même plus loin, difficile de nous forger une opinion objective quand on nous abreuve de désinformation du matin au soir. Je ne regarde plus la télé depuis un an et demi, et surprise, je découvre que le monde est bon, je veux dire réellement bon. On m’avait donc menti?!? 🙂

      Bises et à quand tu veux!

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