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La télévision nous bombarde, chaque jour, de nouvelles effrayantes. Les médias nous font peur, reflétant un monde triste, violent, et dangereux. La presse nous pousse à nous renfermer sur nous-mêmes, dans un monde où il est vraisemblablement trop risqué de côtoyer son prochain.

Je viens de faire le tour du monde. Je suis une fille qui voyage seule. J’ai traversé dans ma vie une cinquantaine de pays, dont certains réputés peu sûrs comme le Brésil, la Mauritanie, l’Afrique du Sud ou l’Inde. J’ai fait énormément de stop, et j’ai dormi chez l’habitant un peu partout. Je vais bien : on ne m’a pas harcelée, volée, violée, ni même égratignée. Bien au contraire, on m’a protégée, guidée, nourrie, aidée : le monde est bon.

En hommage à toutes ces belles personnes que j’ai croisées sur mon chemin, voici quelques lignes qui transmettront je l’espère, toute ma gratitude envers l’être humain…

enfants au botswana

Rencontre dans la rue avec des enfants de Nata, au Botswana

J’ai parcouru le Botswana en stop, de façon aléatoire, me laissant guider par mes conducteurs, et me joignant à eux lorsqu’ils me le proposaient. Le dernier jour, Anton, un entrepreneur sud-africain rencontré à Gaborone (la capitale du Botswana), me racontait une histoire :

Un homme voyage, frappe à une porte, et demande s’il peut rester pour la nuit. Il se renseigne auprès du propriétaire des lieux :

– Comment sont les gens dans votre région?

Ce dernier lui répond :

– Répondez d’abord à cette question : comment sont les gens chez vous?

– Ils sont horribles, c’est pourquoi je viens ici.

– Mauvaise nouvelle : ici, les gens sont pareils.

Un autre voyageur se rend dans la même maison quelques temps plus tard, et pose la même question :

– Comment sont les gens ici?

– Répondez d’abord à cette question : comment sont les gens chez vous?

– Ils sont formidables. Vraiment formidables.

– Bonne nouvelle : ici les gens sont pareils.

John C. Maxwell

Nous trouvons ailleurs la même chose que chez nous. Le contact créé avec l’autre est le reflet de nos projections, que ce soit ici ou là-bas. Attendez-vous au pire, et soyez sûrs que cela va se produire. Apprêtez-vous à recevoir le meilleur et votre journée sera riche en belles rencontres. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Il y a encore quelques jours, une femme me prenait en auto-stop et je lui demandais pourquoi. Pourquoi s’était-elle arrêtée pour moi? Elle me répondit d’emblée : « Nous sommes le monde. Nous devons prendre soin les uns des autres. » Cette femme, sans éducation et sans d’autre richesse que sa bonté avait tout compris. Elle savait reconnaitre toute la beauté se trouvant dans l’échange. Elle savait comment trouver du bonheur dans ma gratitude. Et elle savait que la fraternité était salvatrice pour l’Humanité.

Voyager rend optimiste. La route est apaisante. Oui c’est apaisant de faire à nouveau confiance en son prochain. C’est rassurant de réaliser que le monde n’est finalement pas si mauvais, bien au contraire. Bien sûr, des conflits existent, ils sont nombreux et tragiques. Toutefois, ils ne reflètent pas la réalité des choses. Ils ne sont que business ou politique, qu’intérêt ou égo. L’être humain, lui, a tant à donner. Il est plein de ressources que l’on n’imagine pas. La générosité n’est pas une affaire de biens, non, c’est une affaire de cœur.

voyage à nouakchott en mauritanie

Avec ma famille mauritanienne, dans les mines de sel de Nouakchott en Mauritanie

Durant mon voyage, je culpabilise souvent. Je suis reçue à bras ouverts quel que soit le lieu où je me rends. On fête mon arrivée, on célèbre ma présence. On me couronne de toutes sortes d’amulettes pour bénir mon aventure et me protéger du pire. C’est alors que cette même pensée me revient, encore et toujours : le jour où ces gens souhaiteront venir me visiter ou découvrir mon pays, il leur faudra d’abord se battre pour le visa. Certain l’obtiendront, et gagneront tant bien que mal Paris ou Marseille. Là, c’est un tout autre accueil qui leur sera réservé. Ils se confronteront à l’individualisme, la méfiance, ou bien l’indifférence.

Pour moi, tout a changé. Je ne suis plus cette jeune femme, se croyant ouverte mais étant pourtant renfermée sur elle-même. J’ai appris à mettre mes peurs de côté. J’ai appris à croire en mon prochain, à faire confiance, et à m’attendre au meilleur et non au pire. Le monde m’a enseigné qu’il n’y a pas de pire sentiment que de se sentir rejeté, pour sa couleur, sa nationalité, ou sa religion.

J’ai passé plus d’un mois à voyager en Afrique du Sud, pays qui m’a particulièrement touchée. Là-bas, l’Histoire continue de s’écrire, jour après jour. La ségrégation n’a pas disparue, même si les relations entre les peuples se sont apaisées. Pourtant, en Afrique du Sud comme ailleurs, j’ai reçu mille sourires : afrikaans, zoulous, xhosas, personne n’a fait de différence à mon égard, j’étais simplement la voyageuse, qu’importe ma couleur de peau.

rencontrer des voyageurs

Une jeune Couchsurfer rencontrée à Gonubie, en Afrique du Sud

Alors, je souhaitais vous le dire à nouveau, le monde est bon. Ne vous inquiétez pas pour moi, je suis entre de bonnes mains, celles de mes frères et mes sœurs d’ailleurs. Et ne redoutez pas de sauter le pas, le seul risque est d’en vouloir toujours plus, et croyez-moi, le virus du voyage est contagieux. D’ailleurs, demandez au Capitaine Rémi ce qu’il en pense, ou plutôt jetez un œil à son article « Non, ce n’est pas dangereux de voyager » : contrairement à beaucoup qui évoquent le danger comme provenant de l’autre, il remercie ses hôtes d’avoir pris le risque de l’héberger chez eux. Une belle approche, pleine d’humanité.

Ces quelques lignes paraissent bien futiles, surtout si nous les comparons à la réalité que nous présentent chaque jour les médias dont nous nous abreuvons. Je m’en moque, trouvez-moi naïve, trop jeune pour comprendre je ne sais quelle vérité, insouciante ou utopiste. J’ai vu le monde de près, en allant bien loin. Je n’offenserai aucune de ces magnifiques rencontres en prônant la méfiance et le repli sur soi.

Bien au contraire, c’est un grand merci que je souhaite clamer haut et fort. Un espoir en l’avenir que je souhaite transmettre. Une fraternité que je souhaite partager.

À toutes ces belles personnes, et en gratitude envers toute cette générosité reçue : merci. Merci de m’avoir ouvert les yeux…

portraits d'enfants en inde

Les enfants de l’ONG ASMITA, avec qui j’ai passé cinq semaines à Varanasi, en Inde

Pour aller plus loin, n’hésitez pas à découvrir le meilleur de mon blog voyage, ainsi qu’un article évoquant les dangers de l’auto-stop et tous les textes relatant la philosophie de ma vie nomade

Join the discussion 23 Comments

  • melissa p. dit :

    Merci pour cet article! 8 mois que je suis sur les routes de l’Amérique latine et j’en arrive à la même constatation que toi: le monde est bon, profondemément bon. Les rencontres en stop sont incroyables, entre intenses générosités et sycronicités improbables…

    J’ai commencé mon voyage en tant que touriste en Colombie, je l’ai continué comme voyageuse en stop, en camping sauvage, en logeant chez l’habitant en Argentine, Uruguy et au Chili. Le pied integral!

    Et aujourd’hui, je me retrouve en Bolivie. Et j’ai la sensation de perdre tous mes repères. De voyageuse je redeviens touriste, et c’est une claque.

    Le pays est réputé dangeureux pour faire du stop en tant que femme seule, et quand cela fonctionne, le conducteur te demande de payer la course… Choc de cultures .. de mentalités… je me remet à payer les bus.

    Camping sauvage… avec ce froid de canard et l’insécurité ambiante… pour la première fois, je n’ose pas… je paye l hostel. Ce n’est pas cher, alors on se dit que c’est con de prendre des risques pour économiser si peu… oui mais…. sauf que moi… je voyage seule, et c’est toutes ces rencontres qui rendent mon voyage palpitant… je recommence à parler anglais, français avec les autres touristes…adieu l’espagnol… j’arrive à connecter un peu dans les bus mais ils sont tellement réservés ces boliviens, j’ai du mal à briser la glace… tout au plus un petit tour de la paz avec un jeune étudiant qui veut pratiquer son anglais, deux jours extraordinaires avec un pêcheur dans la jungle (c’est possible donc!! Mais tellement rare!) je me sens en décalage complet après être restée presque exclusivement avec des locaux durant de longs mois en patagonie… je me dis que je veux retourner au Chili, que je veux redevenir voyageuse… et puis non, ça serait trop facile d’abandonner comme ça, et c’est quand même beau la Bolivie, ça serait con de pas voir le lac titicaca, le salar d uyuni, faire des trecks à 6000m… alors tu craches tes tunes, à contre coeur parce que c’est pas ça le voyage que j’aime, c’est pas ça la vie… ma vie… Alors je me remet en question, est ce que c’est mon énergie qui a changé ? Est ce que je ne compte plus assez sur ma bonne étoile? Ou est ce que ces mois de voyageuse n’étaient qu’un leurre… qu’une fois arrivée dans un pays où être une voyageuse n’est pas aussi simple, je me retransforme en touriste? As tu déjà ressenti cela dans tes voyages? Comment as tu géré dans ce genre de pays où le tourisme de masse est la norme? Où les habitants ont difficiles à s’ouvrir à l’étranger? As-tu fuis ce genre de pays ou forcé les portes? Aurais-tu des conseils à m’apporter ?

    • Salut Mélissa ! Vastes questions que tu m’adresses là, je ne suis pas certaine d’y trouver des réponses mais je vais faire de mon mieux ! C’est assez drôle, car je viens tout juste de quitter la Baie d’Halong au Vietnam, et je me suis retrouvée une fois de plus face à ce dilemme que tu évoques : visiter des lieux exceptionnels mais prisés par le tourisme de masse (les gens ne sont pas fous!), ou les fuir, quitte à louper des sites grandioses…

      La réponse est peut-être mitigée : y aller, mais y voyager « autrement ». J’ai lu que tu étais adepte du stop et du camping sauvage, ce sont déjà deux excellents moyens d’entrer en contact avec les populations de façon plus spontanée. Marcher, faire du vélo, aller au-delà des « sentiers habituels » sont d’autres idées.

      Et puis parfois se résigner. Il serait bien compliqué de voir la Tour Eiffel tout en étant seul! Pourtant, c’est tout de même un monument qui vaut le coup d’œil 🙂 Alterner les étapes peut-être, entre des sites plus touristiques et d’autres perdus au milieu de nulle part?

      Pour ma part, j’ai aussi pris le parti d’accepter que certaines haltes dans mon voyage seraient moins réussies que d’autres. Accepter les loupés, cela permet de mieux les vivre, et puis sur le long terme difficile d’y échapper… Et si un lieu ne me plaît pas, je m’en vais plus loin!

      Je te souhaite une bonne continuation, en espérant avoir répondu à tes attentes 🙂 Amitiés voyageuses…

      • fanny dit :

        Merci pour ta réponse. Moi aussi je me pose ces questions. Dur d’accepter de redevenir une touriste. Dur de voir certains lieux supposés mythiques mais sur-aménagés pour le tourisme de masse. Dur de devoir payer des sommes folles pour entrer dans une forêt, faire un « trek » de 4h de marche. Aussi dur de choisir de ne pas aller dans ces endroits juste pour ne pas être dans la foule des selfies. Et puis des fois je me dit que je suis partie pour réaliser combien le monde était beau alors c’est dommage de ne pas en profiter. Et je suis aussi partie pour me rassurer sur l’humain et des fois je realise que le touriste est aussi un humain et finalement il y a aussi de belles rencontres à faire chez ce peuple là.

  • Louise dit :

    Magnifique témoignage 🙂 Je recherche la citation (histoire) de Maxwell pour pouvoir la citer mais en la trouve pas ailleurs. Une idée? Merci

    • Salut Louise! Merci pour ton message! Arf, pour la citation, comme je l’écris c’est Anton qui m’a raconté cette histoire, donc non désolée! Tente de chercher en anglais sur le net t’auras peut-être plus de chance? Bonne continuation!

  • Flowerpower dit :

    Merci pour ce bel hommage à l’universelle bonté humaine !!! Hier encore, après avoir regardé « Voyage en Terre inconnue » (oui pour l’instant je voyage via les bouquins, les blogs et la télé) et versé ma larme, je me suis levée de mon fauteuil (de camping quand-même …) en me disant « que l’humanité est belle, que l’humanité est belle « !!! (il s’agissait hier d’une rediff’ où Gilbert Montagné était emmené au Zanskar où il a fait de très très riches et émouvantes rencontres) …

  • Nicolaos dit :

    Bravo, c’est super de lire toutes ces belles choses et cette spontanéité! Si j’étais une nana je ne sais pas si j’oserai faire tout ce que tu fais, tu as du courage, continues de nous faire partager ta belle vision de la vie (ta liberté ;). Bon voyage . Nico

    • Salut Nico! Merci pour ton message 🙂 Haha tu sais, je dois bien avouer que c’est souvent plus simple pour une fille de voyager… Bon voyage à toi également, et je m’en vais de ce pas découvrir ton blog! 🙂 Bises

  • Stéphane dit :

    Merci, merci et encore merci, j’en parlais justement avec un intervenant ONG en juin dernier, les gens sont supers et adorables partout dans le monde, seule une poignée de cupides arrivent à les monter les uns contre les autres.

    • Coucou Stéphane! Merci pour ton message. C’est certain que nous restons faibles face à la surmédiatisation quotidienne de faits divers ou la surreprésentation d’évènements tragiques, qui ne font, comme tu le dis, que de nous monter les uns contre les autres. Depuis que je ne regarde plus la télé, j’ai redécouvert la confiance, et même si, comme tout le monde, je connais aussi des histoires moins belles que d’autres, je suis beaucoup plus objective quand à la richesse de l’être humain. Bonne route à toi 🙂

  • Coucou! Je te souhaite de partir à ton tour alors 🙂 Bon vent!

  • Aurélie dit :

    Très joli article, qui résonne en moi car c’était ce qui m’avait le plus marquée lors de mon TDM en 2011/2012… Je ne m’attendais pas à faire autant de belles rencontres sur la route. Le monde n’est pas que celui que les médias nous dépeignent à longueur de journée, il est surtout plein de nos frères et sœurs comme tu le dis… Merci pour ce beau texte, et bonne route à toi !

    • Salut Aurélie 😉

      Tout à fait d’accord avec toi : c’est incroyable toutes ces belles rencontres qui ponctuent le voyage. Les médias nous vendent de la peur que l’on s’empressent d’avaler goulûment, à croire que l’on aime cela?

      Bonne route à toi également, au plaisir!

  • Planet addict dit :

    Quel joli texte! Tres frais et plein d’optimisme. C’est bien vrai que le monde est beau. Il ne faut pas se fier aux medias, lorsque l’on va sur place, on voit que ce n’est pas aussi noir qu’on veut nous le faire croire. Le courage de voyager, c’est le courage de sortir de cette idee reçue pour aller voir par nous même et se faire sa propre idée. Et ce que l’on decouvre est tellement beau et tellement enrichissant qu’il est parfois difficile de trouver des mots. Et tu l’as très bien fait.
    Merci, je suis contente de terminer l’année sur ces paroles!
    Bonne année à toi!!

  • Bel hommage à l’amour au sens large du terme. Voyager t’a ouvert les yeux, te lire ouvre un peu plus les nôtres.
    Merci pour tes si beaux textes!

  • Une ancienne compa à qui tu ouvres les yeux dit :

    Salut Astrid,
    Depuis Haïti, où j’ai vécu une rencontre interculturelle très intense pour la première fois, je me suis demandée comment faire pour mettre sur pied un nouveau projet. Je ne me sentais pas réellement motivée pour vivre une nouvelle aventure dans un autre pays.
    Aujourd’hui je crois que je suis enfin prête à découvrir d’autres horizons et à me projeter dans un nouveau projet de voyage.
    Ton blog à joué un rôle la dedans et je suis remotivée à bloc pour repartir en voyage et non plus en projet solidaire scout.
    Bon retour en France !

    Elodie

    • Merci Élodie! Ton message me fait énormément plaisir… On se boira un verre à mon retour, tu me raconteras les détails de tes nouveaux projets de voyage… Hâte de savoir!!! C’est le meilleur que je puisse te souhaiter en tout cas. Prends soin de toi! 😉

  • Papi dit :

    bravo et merci pour ce témoignage  » philosophique  »
    c’est vrai que le monde est bon quand on prend le temps de l’accepter, de le comprendre et de l’aimer

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