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Je voyage depuis plus d’un mois en van, au Royaume-Uni. Après l’Est de l’Angleterre, puis le Nord de l’Écosse, je redescends lentement vers le Sud du pays, où j’espère trouver un climat plus clément.

Suite à plusieurs semaines de solitude sur la route, mon voyage prend un nouveau tournant à Glasgow, grâce au Couchsurfing. Voici le récit de ce rebondissement…

Je quitte Ullapool à reculons : cet endroit magique restera probablement le lieu m’ayant le plus marquée durant mon voyage au Royaume-Uni. Je fais étape à Applecross, un village du Nord-Ouest de l’Écosse qui m’a-t-on dit, a beaucoup de charme. Pour rejoindre ce bout du monde, il me faut traverser toute une montagne, et mon véhicule peine à grimper si haut. Seuls chauffeurs routiers flattent mon égo, ils sont encore plus lents que moi et j’esquisse un sourire sadique en les doublant fièrement. C’est le genre de route qui scelle définitivement un pacte à-la-vie-à-la-mort entre engins à moteurs et leurs conducteurs. D’ailleurs, je connais à trois reprises quelques frayeurs, lorsque des cerfs me coupent la route. Quant aux brebis, elles restent indénombrables. C’est un peu comme si j’allais de loch en loch en jouant à saute-moutons, mais pour de vrai.

Montagnes autour d’Applecross

À Applecross, garée au bord d’un lac, je passe deux longues heures à regarder paisiblement le soleil se coucher. Il faut dire qu’ici la nuit tombe vite : à 17h, le ciel est déjà noir. J’ai de la chance, ce dernier est découvert ce soir. Il laisse apparaître des milliers d’étoiles, qui me donnent l’impression d’avoir la chance d’être la seule au monde à profiter de ce spectacle.

L’Île de Skye me donne rendez-vous le lendemain. J’en ai tellement entendu parler que mes attentes sont à la hauteur du mythe. C’est la seule île que je visiterai en Écosse : elle est reliée au continent par un pont, contrairement aux autres qui m’obligeraient à emprunter un ferry, souvent très onéreux avec un van. Je reste deux jours à Portree, la plus grande ville insulaire. Les couleurs murales qui ornent les maisons le long du port, redonnent un peu de piment au paysage trop parfait du loch voisin.

Le port de Portree, sur l’Île de Skye

Il a fait tellement beau depuis le début de mon voyage au Royaume-Uni, que j’en étais venue à croire que la célèbre pluie britannique n’était que chimère. En y repensant à deux fois, elle est bien réelle. Depuis quelques jours, c’est Jean-qui-rit-Jean-qui-pleure ici et croyez-moi, son chagrin n’est pas à demi-mesure. La nuit, de violentes gouttes d’eau fracassent la tôle de mon habitacle, me faisant sursauter plus d’une fois. Moi, je suis la fille qui a fait le tour du monde, et qui a pourtant toujours peur de l’orage la nuit. Vous aviez-dit courageuse?

Je suis déjà couverte de mes vêtements d’hiver, bonnet, écharpe et gants (voyager en van, ça rend sexy…). Je continue pourtant de rencontrer dans chaque rue ou presque de joyeux passants vêtus d’une chemise ou d’un débardeur. Drôle d’accoutrement par ce temps si glacial.

Je fais le tour de l’île et ne le regretterai pas. Toutefois, les paysages du grand Nord de l’Écosse me restent en mémoire, chaque petit coin de paradis sur terre aura désormais bien du mal à rivaliser avec ce souvenir digne d’un mirage.

Dernière nuit sur l’Île de Skye, après une longue journée de marche sous la pluie battante, j’installe mon campement vers dix-huit heures, j’enfile mon pyjama et je cuisine une soupe afin de me réchauffer. C’est à cet instant qu’une femme du voisinage trouve opportun de me déloger de façon expéditive. Je suis pourtant garée sur une place publique, mais il faut croire qu’un van immatriculé en France ne fait pas bonne figure dans ce village si reculé. Je lui aurais bien adressé le fond de ma pensée, mais la fatigue et l’envie de passer une soirée au calme l’ont emporté sur ma rancœur. Allez, je sors du lit, je remballe ma soupe chaude sans la renverser, j’enlève le pare-soleil, je chausse à nouveau mes baskets mouillées, et je reprends la route jusqu’à un lieu plus accueillant : le repos n’est plus très loin!

La belle Île de Skye

Je poursuis ma descente vers le Sud. Il commence à faire froid ici, notamment la nuit, et l’appel de la route m’emporte avec lui. Je pense me rendre à Fort William, mais je rencontre en chemin mon premier autostoppeur! Je modifie mon programme afin de le conduire le plus loin possible : après deux ans d’errance en auto-stop, je lui dois bien ça. Nous roulons donc jusqu’à Oban, et j’en profite pour y rester quelques jours.

Comme à Ullapool, je trouve en ville une douche en libre accès. Cette fois, l’eau y est glacée et le moindre shampoing tourne à la séance de torture cérébrale. Enfin, au moins, je sens bon! Après quelques semaines de solitude, mes journées commencent toutefois à se faire longues. Il y a encore quelques jours, je me promenais, je visitais, et j’en prenais plein les yeux. Pourtant depuis peu, j’ai plutôt l’impression de passer le temps, de traîner mes pieds un peu partout, et de ne plus trop savoir quoi faire de mon temps. La fatigue y est pour quelque chose : il fait vraiment froid la nuit et mon sommeil en pâtit. Mais la vraie raison est qu’à part cet autostoppeur, cela doit faire un mois que je n’ai pas entretenu de véritable conversation. J’étais dans des lieux isolés, et le fait d’avoir mon propre véhicule me coupe un peu du monde. Je voyage comme dans une bulle, et il m’est difficile de faire de nouvelles rencontres.

Une fois n’est pas coutume, je poste donc quelques messages ouverts sur le site de Couchsurfing :

Je m’appelle Astrid, j’ai 29 ans et je voyage autour du monde depuis deux ans. Je suis actuellement en Écosse. Je voyage en van, je ne recherche donc pas forcément un lieu où dormir (même si je ne dirai pas non!). Si vous souhaitez me rencontrer pour boire un café, voire voyager quelques jours avec moi, n’hésitez pas à me contacter, je serai heureuse de vous croiser sur ma route. J’espère à bientôt donc!

Suite à cette annonce, ma boîte mail explose littéralement. Nous seulement je reçois de nombreux messages de bienvenue en Écosse, mais en plus beaucoup de couchsurfers m’invitent à passer quelques jours chez eux afin de faire connaissance, mais également de me permettre d’avoir un peu de confort le temps d’une étape.

Il me reste à décider à qui vais-je rendre visite. Bien sûr, j’élimine en premier toutes les propositions à connotation sexuelle ou ambigüe (je le dis, comme ça mon Papa sera content puisqu’il me pose à chaque fois la question : mais dis-moi, ma grande, avec ce garçon chez qui tu dors là, il se passe quoi la nuit???).

Je m’aperçois ensuite que la plupart des messages adorables que je reçois proviennent de Glasgow : c’est parti, je m’en vais rendre visite à mes nouveaux amis glaswegians! Thibaut, un expatrié français, m’ouvre sa porte. En plus d’un repas chaud, d’une baignoire et d’un confort qui m’avait manqué, je trouve chez lui une amitié qui comptera parmi mes plus belles rencontres. Je devais rester deux nuits, je passerai finalement près de deux semaines à savourer ces soirées sans fin où l’on croit refaire le monde.

Thibaut et son pyjama préféré… / Encore merci pour tout, et à un de ces jours sur la route! Bon vent Thibaut 🙂

J’en profite pour rencontrer Nicola, une écossaise qui me reçoit également chez elle, toujours à Glasgow. Elle n’a que dix-neuf ans et pourtant, elle possède un CV de voyageuse à faire blêmir les plus routards d’entre nous. Il y a quelques semaines, elle prenait d’ailleurs un tank en autostop, quelque part en Israël. Elle est comme ça, Nicola…

Avec elle et deux autres amies, nous organisons une excursion autour du Loch Lomond. Nous faisons le tour du lac, et terminons notre journée à faire de l’URBEX dans un entrepôt désaffecté : une session photo s’impose!

Je fais également la connaissance de Gabrielle et Candice, deux jeunes françaises, étudiantes à Glasgow. Elles rêvent de voyager en van, je leur ouvre donc ma modeste porte le temps d’un week-end. Nous nous rendons à Tayvallich, un village situé sur la côte Ouest. Le soleil est de retour, les filles sont une excellente compagnie et nous passons vingt-quatre heures à parler de voyage, d’aventure, et de nos rêves de découvertes. Elles organisent également une soirée dans leur appartement du centre-ville, et convient mes amis couchsurfers des environs. L’occasion d’échanger sur nos expériences respectives : un moment qui comptera parmi les plus précieux vécus ici.

Soirée Couchsurfing à Glasgow / Thank you so much for this lovely time!!! / Crédit photo @AnastasiaChistyakova

Tout cela pour annoncer mon fameux changement de cap. Suite à mon annonce, Anastasia, une russe expatriée en Norvège, me contacte pour savoir si elle peut se joindre à moi quelques semaines. Elle souhaitait voyager en Irlande, mais ayant lu mon message, elle est aujourd’hui prête à réserver un billet d’avion pour Glasgow. Ayant été hébergée un peu partout ces deux dernières années, je suis plus qu’heureuse de pouvoir rendre la pareille, d’autant plus qu’avoir un peu de compagnie me fera à coup sûr beaucoup de bien.

Je ne sais pas qui est la plus folle d’entre nous : celle qui achète son ticket pour traverser l’Europe, afin de rejoindre quelqu’un qu’elle ne connaît pas, ou celle qui prolonge son séjour à Glasgow, attendant une inconnue avec qui passer la totalité de son temps dans un espace si confiné. Nous verrons bien ce que la suite nous réservera, mais je me dis que plus nous serons de folles, plus nous rirons!

Ainsi, ma nouvelle comparse Anastasia me retrouve, Thibaut nous héberge toutes deux quelques jours de plus, et nous voilà parties à la découverte du Pays de Galles.

Première journée avec Anastasia, promenade dans Glasgow / Crédit photo @AnastasiaChistyakova

Comme si de rien n’était, comme si finalement, après toutes ces aventures incroyables autour du monde, rien ne serait désormais plus normal que de vivre ce genre de rebondissement.

La vie dans un camion aménagé, la vie sur la route, c’est apprendre à lâcher prise, miser sur sa bonne étoile, et aujourd’hui plus que jamais continuer d’avoir foi en l’être humain.

Et pour allez plus loin, retrouvez la suite de mon road trip au Pays de Galles, et mes conseils pour choisir un van ou un camion aménagé

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