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Avant de commencer mon top 10 des attitudes étranges – parfois stupides – qu’adopte l’auto-stoppeur, je tenais à préciser que l’usage de la troisième personne dans cet article n’a pour finalité que de préserver mon anonymat.

Oui, car en réalité, toutes les anecdotes citées ci-après relèvent sûrement de ma propre expérience, ayant beaucoup pratiqué l’auto-stop en France comme ailleurs, mais comme mes parents me lisent, je ne le dirai que du bout des lèvres. C’est en échangeant avec d’autres auto-stoppeurs que j’ai compris que nous adoptons tous un comportement qui déroute bien souvent le commun des mortels, voici pourquoi…

1) Les questions hors du commun :

L’auto-stoppeur est souriant. Sa journée débute généralement par une conversation amicale avec les habitants. Il aime sortir des sentiers battus, et aller à la rencontre des locaux.

Imaginez-vous ceci : vous êtes en plein centre-ville, vous marchez paisiblement pour vous rendre je ne sais où. Vous êtes alors abordé par un jeune touriste qui balbutie dans une langue que vous comprenez à peine quelque chose comme : bonjour, excusez-moi de vous déranger, où se trouve Gibraltar s’il vous plaît ?

À cet instant, vous ne saisissez pas bien sa demande car Gibraltar, c’est à plusieurs centaines de kilomètres d’ici, et ce mec – qui vous paraît de plus en plus louche – est à pied. Vous lui demandez donc de reformuler sa question. Il vous précise alors : l’autoroute ! Mais si : au-to-rou-te !!! Highway ! Autopista ! Vous savez peut-être quel est le bus qui s’y rend ???

L’autoroute. Cet hurluberlu vous demande quel bus se rend à l’autoroute, et comme ce n’est pas un arrêt habituel vous n’en avez bien sûr aucune idée. Il finit par vous remercier pour votre patience et s’en va, vous laissant bouche bée.

Faire de l'auto-stop en Birmanie

Une conversation totalement incompréhensible, au Myanmar

2) Une petite séance d’escalade :

Mais l’auto-stoppeur est plein de ressources, et aussi sportif, sachez-le. Après avoir marché quelques kilomètres pour sortir de la ville et ayant finalement trouvé le bon chemin, un carton d’emballage de couches pour bébés sous le bras qu’il transformera en panneau et décorera d’un Paris ou Tombouctou, le voilà face à sa première grande épreuve de la journée : rejoindre LE bon spot. De là, depuis cette place to be dégotée sur Internet, il espère trouver un bon samaritain susceptible de le conduire à destination.

C’est donc tout naturellement que le voilà agenouillé sous ce pont construit au mauvais endroit, rampant comme il le peut, avec son sac de cinq kilos sur le dos et une guitare dans la main gauche (tant qu’à faire).

Tant bien que mal, il rejoint l’autre côté : c’est alors qu’il se rend compte qu’il lui faut maintenant escalader un grillage d’un mètre cinquante de haut (mais les gars, vous me l’aviez pas dit sur HitchWiki !!!). C’est ainsi qu’après maintes péripéties, il finira tout de même par atteindre cet endroit mythique : la station essence Gasotruc de l’autoroute, ou à cet instant précis, le lieu de toutes ses espérances.  

auto-stoppeur espagne

Bon courage aux auto-stoppeurs qui se rendent en Espagne !

3) Les destinations exotiques :

L’auto-stoppeur a un excellent sens de l’orientation. Errant dans cette station Gasotruc, il finit par se rendre compte que Gibraltar, c’est dans l’autre direction, il est situé sur la mauvaise voie. Pas de problème pour autant : il est malin. Il vient de repérer sur une carte qu’il y a un embranchement un peu plus loin, il lui suffit donc de se faire déposer à la prochaine aire de repos, pour pouvoir se replacer du bon côté de la route.

C’est donc tout naturellement qu’il va à la rencontre du premier chauffeur routier, et qu’il lui demande d’un air naïf – qui lui donne tout son charme : bonjour, excusez-moi de vous déranger, pouvez-vous me conduire à la prochaine station service s’il vous plaît ? Sta-tion ser-vice !!! Petrol station ! Area de servicio !

Comme personne ne comprend pourquoi l’auto-stoppeur veut aller sur une aire de repos et non à Barcelone ou Malaga comme tout le monde, il doit insister pour se faire entendre.

Mais comme personne ne comprend non plus la raison qui le pousse à préférer la station suivante à celle-ci, il fait chou blanc. Il doit donc passer au plan B.

auto-stoppeur en italie

Auto-stop en Italie, à la recherche d’une aire de service…

4) Le plan B :

L’auto-stoppeur est dégourdi. Depuis Gasotruc, il aperçoit au loin une station Çagaz, mais c’est de l’autre côté et il n’y a aucune passerelle avant une dizaine de kilomètres. Il se positionne donc au bord des voies, attend, attend, et attend encore qu’aucune voiture ne circule sur l’autoroute.

Soudain, c’est LE moment. D’un bond, il passe au dessus des rambardes, court à pleine vitesse à travers les deux premières voies, puis reprend son souffle sur le terre-plein central. Il refait la même chose pour franchir les deux dernières voies. Heureusement, il a appris depuis longtemps à voyager léger.

Il est enfin du bon côté, et il marche une dizaine de minutes pour rejoindre la station essence repérée. Après cette dernière épreuve athlétique, il pourra enfin commencer à avancer un peu. Il est trop fort !

C’est alors que se mettent à raisonner les sirènes d’une voiture de police.

auto-stoppeur chili

Traversée du Chili en stop

5) Les réponses bêtes aux questions idiotes :

L’auto-stoppeur est obéissant. Bien évidemment, c’est interdit de marcher le long de l’autoroute, du moins dans les pays occidentaux et il le sait. Il est parfois stupide, mais jamais à ce point. Maintenant, il lui faut répondre adroitement aux questions insistantes des policiers : hola ! C’est interdit aux piétons ici ! Pour moins que ça, je peux vous coller une amende.

Là, l’auto-stoppeur n’a pas d’autre choix que d’adopter la posture du brave touriste, un peu perdu, qui demande de l’aide aux gentils policiers : oui je sais, je suis désolé ! J’ai un problème, je suis perdu voyez-vous, pouvez-vous m’aider s’il vous plaît ? Je vous serai infiniment reconnaissant.

Une petite flatterie à l’égard de ce bel uniforme et ouf, l’auto-stoppeur évite l’amende de justesse. Il se fait aimablement raccompagner en voiture à la prochaine sortie d’autoroute, au milieu de nulle part, et où pas un véhicule ne passe. Super, le road trip… Et qu’est-ce qu’on dit ? Muchas gracias !

auto-stop en italie police

En Espagne, mais aussi en Italie, j’ai connu pas mal de soucis avec la police…

6) Les conversations décalées :

L’auto-stoppeur est optimiste et ça tombe bien : par on ne sait quel miracle, il trouve quand même une âme charitable, qui le fait monter à bord d’un véhicule qui semble avoir survécu à tout. Le conducteur ne parle que grec et arabe, allez savoir pourquoi, mais il est très avenant.

L’auto-stoppeur enchaîne donc les oui et non de la tête, tentant de réagir de façon appropriée aux palabres du chauffeur, et espérant rire au bon moment.

Le routier n’est pas dupe, alors lui aussi passe au plan B : il sort – contre toute attente – un smartphone dernier cri et passe en boucle des vidéos sur Youtube. De l’âne qui tombe de la balançoire, aux prières pour le décès du roi marocain : tous les sujets y passent.

C’est la première fois de la journée que l’auto-stoppeur se sent plus dérouté par ceux qu’il rencontre que l’inverse, et finalement, même s’il ne comprend rien à la conversation, il passe un excellent moment en compagnie de son héros du jour.

l'auto-stoppeur grèce

Auto-stop en Grèce

7) Les repas sur le pouce :

L’auto-stoppeur est fin gastronome. Ses papilles, éduquées aux goûts les plus divers depuis qu’il a commencé à faire le tour du monde, s’adaptent en toutes circonstances. C’est ainsi qu’il peut débuter sa journée à cinq heures du matin, en avalant d’un trait un grand verre de cognac.

Après ce petit-déjeuner revitalisant, il sort de son sac trois tranches de pain : deux pour faire le sandwich, et la dernière faisant office de garniture. Ce gourmet des autoroutes n’avait pas prévu de se retrouver bloqué en pleine campagne si longtemps.

Fort heureusement, des chauffeurs l’inviteront à partager leur repas un peu plus tard : un délicieux plat d’estomac de vache bouilli.

Enfin, comme il ne se refuse rien, il terminera sa soirée en dégustant une bonne assiette de soupe de chien, histoire de lui redonner du poil de la bête.

Mais l’auto-stoppeur a aussi la chance de déguster de savoureux fœtus de poussins encore dans l’œuf (Vietnam)

8) Le dévergondage :

L’auto-stoppeur sait rester poli en toutes occasions. Ainsi, il ne s’offusque pas de visionner des vidéos sexy de danseuses bulgares un peu (trop) dénudées, et ce alors même que le chauffeur conduit.  Et oui, dans certains camions, il y a la télé, et même le câble ! Alors, d’un ton innocent, il tente de converser : oh, elle est sympa cette musique ! Comment s’appelle la chanteuse ?

Bien qu’il ait passé une longue journée sur la route, il feint de ne pas avoir remarqué les magasines pornographiques, sur lesquels il est angéliquement assis, entre deux brochures publicitaires. Un oubli, ça arrive à tous non ? Alors, rougissant un peu tout de même, il se concentre pour parler de la pluie et du beau temps.

l'auto-stoppeur france

Auto-stop d’Orléans à Tarbes

9) Les jeux super géniaux :

L’auto-stoppeur est patient, et très créatif. Alors, durant les longues heures d’attente à espérer qu’un véhicule apparaisse au loin, il invente des jeux, pour tuer le temps. Avec un peu de chance, il est ce jour-là accompagné d’un ami.

Ensemble, ils peuvent alors se faire une partie de ni oui ni non, de devine à quoi je pense, ou mieux encore de on parie sur la couleur de la prochaine voiture. Pourquoi voyager, si c’est pour s’ennuyer ? Généralement, après quelques parties et bien qu’elles soient follement amusantes, l’auto-stoppeur devient (complètement) dingue.

Il élabore alors un passe-temps bien plus divertissant, comme le concours de celui qui prend la pose d’auto-stop la plus drôle. C’est alors que l’unique voiture de la journée passe, ralentit, regarde l’auto-stoppeur d’un air louche et accélère sans s’arrêter. Il dormira dehors ce soir, mais au moins, il aura gagné la compétition contre son pote !

auto-stop argentine

Auto-stop en Argentine, vous me donneriez quelle note pour la pause ?

10) La fin du trajet de l’auto-stoppeur :

Enfin, après plusieurs jours de route, l’auto-stoppeur gagne sa destination. Entre temps, il a changé son itinéraire dix fois, et il ne connaît rien au sujet de ce nouveau pays d’accueil. C’est ainsi que, toujours de façon très naturelle et décontractée, il aborde le premier homme qui marche dans la rue : bonjour, excusez-moi de vous déranger. Où est le centre-ville s’il vous plaît ? Et quelle est l’heure locale ici ? Oh, et quelle monnaie utilisez-vous ?

Heureux sont ceux qui n’ont pas peur de cacher leur ignorance.

Tiré Le Zahir, un livre de Paolo Coelho

En quelque sorte, l’auto-stoppeur termine son trajet exactement comme il l’a commencé : en déroutant comme un cœur les passants qu’il laisse sans voix, mais qu’il attendrit tout de même un peu, par la beauté de sa candeur.

auto-stop humour

Auto-stop à la sortie de Cadiz, en Espagne

Rassurez-vous tout de même, toutes ces anecdotes ne vous arriveront pas en une seule et même journée, si c’était le cas arrêtez tout : prenez le train ou faites du covoiturage ! Elles ne sont qu’un petit condensé de ma longue vie d’auto-stoppeuse.

L’auto-stop est un savoir-faire, qui comme tout autre chose, s’apprend avec le temps. C’est une poésie qui rend le voyageur philosophe. C’est un moyen parmi d’autres de savourer pleinement le goût de la liberté.

Faire du stop est un art, dont les secrets se laissent découvrir au fil des kilomètres, tout en déroutant affectueusement les passants…

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